Alors, avez vous trouvé ? Il s'agit bien sûr du trio de Georges Paris, portant le nom de la capitale française, dont Alphonse Boulicot fit partie et qui présentait un numéro de " volants " au portique. Le " Cirque Napoléon Rancy " le présenta un jour à son public. Un article, aujourd'hui archivé, de la " Mémoire des Rancy " lui avait déjà été consacré :
Ils volaient. Ils volaient à faible hauteur les Paris, à l'image des Volair, déjà évoqués ici, ou bien plus près de nous, des " Petits Volants ".
Ce trio de trapézistes qui portait le nom de la capitale française, mériterait certainement de figurer en lettres capitales au registre des " volants " qui évoluaient sur un mode plutôt comique.
Les Paris parurent chez " Napoléon Rancy " en 1949....
Outre Georges, un autre artiste porta également le nom de Paris, mais avec le prénom Auguste. Il s'agissait de l'" homme à la chaloupe ", qui effectuait chez Théodore Rancy, en 1891, un numéro de force déjà évoqué dans la " Mémoire des Rancy " :
C'est du côté de Lille, de sa Grand Place et plus précisément encore dans le hall du journal " L'Echo du Nord " que je vous emmène aujourd'hui. Normal, nous étions en 1891, à la fin du mois d'août, et le hall de l'ancêtre de la " Voix du Nord " abritait alors une exposition de photographies placées dans des cadres, et représentant un athlète qui, à la force des reins, portait entre autres une chaloupe chargée de douze marins. L'athlète en question s'appelait Auguste Paris, et il était l'une des vedettes du " Cirque Rancy " installé en cette fin d'été à l' "Hippodrome lillois ", au moment de la foire de la ville. Auguste Paris, dit " l'homme à la chaloupe ", qui venait des " Folies Bergères " de Paris, était un énorme gaillard de 1,80 mètre de hauteur, de 44 centimètres de tour de bras et 36 d'avant-bras, au tour de poitrine de 128 centimètres et au tour de ceinture de un mètre. Bien sanglé dans un costume " Léotard " faisant valoir ses formes un peu rondes, mais accusant une force réelle, il entrait en piste juste après l'entracte du spectacle. Après quelques exercices, dont un " arraché développé " d'un seul bras d'un gros essieu de 110 livres, soit 50 kilos, Paris enlevait à la volée un boulet très difficile à manier, pesant au moins 120 livres. Il le jonglait, puis l'arrêtait à bras tendu, le tenant correctement. C'est alors qu'on amenait sur la piste la fameuse chaloupe posée sur des tréteaux et sur laquelle prenait place douze artistes du cirque qui pour l'occasion, avaient revêtu le costume de matelot. Quand les douze hommes étaient installés, l'orchestre se taisait, l'athlète se liait un coussin autour du corps pour adoucir le contact du fond de la barque avec ses épaules, et se glissait sous la chaloupe, s'arc-boutant les pieds dans la sciure, les mains sur un tabouret solide, les reins bien collés sous la barque. Dans un effort vigoureux, il soulevait les douze hommes et la chaloupe, on retirait alors les tréteaux, et voilà cet homme avec cette charge inouïe d'à peu près 2800 livres sur le dos. Les garçons de piste remettaient alors les tréteaux, et la chaloupe venait se reposer doucement après les efforts du colosse.
Le succès d'Auguste Paris, chez " Rancy " ou ailleurs, fut grand, mais toutefois inférieur à sa juste valeur, comme c'était d'ailleurs le cas pour la plupart des hercules de l'époque. Le public croyait à l'existence d'un truquage, et n'avait d'ailleurs pas tout à fait tort. De fins observateurs l'avaient remarqué, et Paris l'avoua lui-même, une fois l'heure de la retraite arrivée. Ainsi, à Lille en 1891, les poids étaient exposés dans le couloir reliant l'entrée du cirque aux écuries que les spectateurs pouvaient visiter, et que les artistes étaient obligés d'emprunter pour se rendre sur la piste. Peu avant la fin de l'entracte, l'athlète passant comme je l'ai déjà dit, en début de seconde moitié du spectacle, on faisait évacuer le couloir, et le boulet de 50 kilos était conduit dans une loge toute proche et remplacé par un autre boulet exactement identique, mais de poids nettement inférieur. Quant au mystère de la chaloupe, il n'est à ce jour toujours pas élucidé. Ceci dit, Paris avait une réelle force, nettement supérieure en tout cas à la moyenne, et même à la plupart de ses " confrères ", dont il fut incontestablement l'un des plus grands de son époque. Cette force étonnante, il l'avait découverte alors qu'il débuta comme garçon-boucher à Neuilly, avant de tenir son propre commerce rue d'Aboukir dans le 2ème arrondissement de Paris. Il était capable, à l'âge de 16 ans, d'accrocher, de décrocher et de porter des quartiers de viande que la plupart de ses collègues plus âgés, étaient incapables de soulever. On l'amena alors chez un certain Vigneron, un haltérophile, où au premier essai, il arracha d'une main trois poids de 20 kilos. Il était également capable entre autres, d'effectuer quatre fois 600 mètres avec trois sacs d'orge pesant plus de 100 kilos sur les épaules. Ayant abandonné le métier de boucher sur le tard, très exactement en 1888 - il avait déjà 38 ans - il monta avec le concours du grand Sandow avec lequel il s'entraînait, le numéro de force décrit plus haut, un numéro que remarqua M. Marchand, le directeur des " Folies Bergères ", qui lui promit un fort bel engagement s'il réussissait à enlever un plateau de 2800 livres, autrement dit la future chaloupe, exercice qu'il avait soigneusement répété dans la cave d'une boucherie de la Rue des Dames où il avait convoqué douze journalistes, mais au cours duquel il se blessa, ce qui lui valut trois mois d'immobilisation et un retard dans la signature de son contrat aux " Folies Bergères ". Ce fut donc avec une force et aussi une confiance quelque peu amoindries, qu'il se présenta sur la scène du cabaret parisien, réussissant néanmoins son pari, celui de soulever une chaloupe avec douze hommes.
L' " homme à la chaloupe " voyagea ensuite pendant plusieurs années dans différents pays, sur diverses scènes et pistes, dont celle des Rancy en 1891, avant de prendre une retraite artistique, et d'ouvrir un gymnase dans la capitale qu'il quitta en 1904. Il mourut quelques années plus tard, en mars 1909, d'un mal qui atteignait beaucoup de ses confrères athlètes de force, l'albuminurie, laissant un fils René, grand et fort comme son père et lui sachant lui faire honneur, mais dans un tout autre domaine, celui de la sculpture.
Avec Gustave Paris, disparaissait l'un des hommes forts les meilleurs et aussi les plus sympathiques de son temps, tout aussi généreux dans l'effort que dans la vie, bref un " roi de la force " qui, comme bien d'autres, fit un passage, certes bref, mais remarqué chez les " rois du cirque " qu'étaient les Rancy....
Les artistes et numéros portant le nom de villes.... Tel est donc le thème de notre semaine. Et voici, pour commencer, des photographies des cinq autres villes concernées pour les quatre jours à venir :
Ce sont donc quatre numéros de cirque à parution " rancynienne ", mais aussi " houckienne ", que je vous ferai découvrir, mais sans doute, pour un certain nombre d'entre vous, redécouvrir cette semaine, quatre numéros qui portèrent des noms de villes, parfois de capitales, mais pas toujours, et que l'on pourrait classer en fonction du nombre de leurs participants. Ainsi, de l'artiste évoluant en solo à toute une compagnie - je dirai même un cirque complet - en passant par un duo et une petite troupe, voici les évocations successives de Gina Rio, de Sydney et Grant, des Agadir et de " Péking Express "....