Le toulousain Léotard, créateur officiel du trapèze volant en 1859. S'il ne parut jamais chez les Rancy, ces derniers présentèrent nombre de ses successeurs
L'un des tous premiers trapézistes à avoir imité Léotard fut dans doute un certain Louis Godefroy, issu d'une fameuse famille de la banque française, les Godefroy-Schossig, laquelle s'allia à la grande dynastie allemande des Renz par le biais de Louis marié avec Kaetchen Renz, fille de Kristoph Renz, lui-même frère du " vieux Renz ". Léonhardt Renz, un autre frère de ce dernier et imprésario du " Zirkus Renz ", avait, en effet, engagé à Berlin, en 1859, le créateur du trapèze volant durant quinze jours pour un salaire de deux-cent-cinquante thalers. Louis Godefroy, qui faisait partie de la troupe, observa minutieusement le numéro à sensation de Léotard, et, un mois après le retour de Léotard au " Cirque de l'Impératrice " à Paris, Godefroy reproduisit au cirque fixe de Berlin le travail du toulousain qui constituait une innovation remarquable, mais qui, paraît il, ne représentait pas de difficulté majeure pour un bon gymnaste. Si Louis Godefroy ne se fit jamais remarquer avec ce numéro chez les Rancy, on le verra, en revanche, quelques années plus tard, avec son frère Charles, chez Alphonse, dans une attraction d'" échelles libres ". Le premier " volant ", comme l'on dit le plus souvent en langage circassien, à s'être produit dans un " Cirque Rancy " fut sans doute Léopold Verrecke auquel j'avais consacré un article le dix-sept juin 2011 :
Un nom des Flandres que celui de Verrecke, parfois orthographié Vereecke ou Verreck. Des Flandres, oui, mais du côté belge.
En août 1856, il présentait, à l' "Hippodrome ", des exercices aériens dont un appelé " le tambour aérien " ainsi exécuté : " Suspendu dans le vide par la nuque à la barre du trapèze, les mains libres, (photo ci-dessus), Verrecke battait du tambour et donnait à la foule une émotion telle que nombre de spectateurs ne pouvaient le supporter ". Avec les Frères Nicolet et son partenaire Leroy, il forma un groupe académique qui lui aussi avait imité Léotard. Une gravure le représente dans un exercice identique avec pour légende : " Léopold Verrecke, professeur de gymnastique de Paris et des Cirques Napoléon et de l'Impératrice, dans son merveilleux travail de l'homme volant ". Il est bon de signaler que le nom de Verrecke figurait à l'affiche du " Cirque Napoléon " pour le débuts de Léotard en 1859. Ce fut certainement le mieux placé pour observer le Toulousain et ensuite l'imiter. Artiste complet, il pratiquait la corde lisse, la voltige aérienne et avec son partenaire Leroy, il présentait auusi d'anciennes entrées comiques. Il fut également écuyer dans un tableau intitulé " les hercules à cheval ". De plus, Verrecke était aussi un téméraire pilote volontaire d'aérostats, ce qui lui valut une citation à l'ordre du jour des armées. En 1872, il reçut la médaille militaire pour blessures de guerre et services rendus à la nation. On le vit chez Théodore Rancy à Lyon en avril 1861. La presse lyonnaise de l'époque ne tarissait pas d'éloges sur l'artiste : " Comment, en effet, raconter les prodiges d'adresse et d'audace réalisés par ce gymnasiarque ? On voit les exercices de Monsieur Verrecke. On en est émerveillé, mais on ne peut les décrire. On peut sans crainte leur appliquer ces lots : il faut le voir pour le croire. S'il n'est pas facile de décrire les exercices de Léopold Verrecke, il n'est pas plus facile de dépeindre les applaudissements que lui décerne le public journellement. Ce sont des bravos, des trépignements enthousiastes qui ne cessent qu'après deux ou trois rappels ". ". Ces exercices, c'était bien sûr ceux de l'" homme volant ", mais aussi du " tambour aérien " ont il était le créateur et dont les figures, disait on alors, relevaient du prodige....
Toutes ces considérations ne sont pas nouvelles, et je ne vous ai sans doute rien appris en les exposant. On peut même affirmer qu'elles sont bien ancrées dans l'histoire du cirque. Mais, la découverte d'un document publié en juillet 2001 par la " Société d'Ethnologie du Centre-Ouest " vient toutefois semer le doute et autorise à laisser libre cours à une autre interprétation de cette même histoire. Voici ce que dit le bulletin de cette société : " Théodore Rancy équipa le métier parental d'un trapèze volant et, mettant à profit les leçons des Laribeau, il va corser le programme de l'établissement familial avec cet exercice encore inconnu ". Il faut préciser que nous étions en 1844. Autrement dit, le créateur du trapèze volant aurait été, en réalité, le futur fondateur du " Cirque Rancy " et non Léotard. Voilà une affirmation qui va certainement en faire bondir plus d'un. Afin de modérer ces propos, on dira que si Théodore Rancy aurait réellement pu être le premier " volant ", son exploit ne fut cependant pas homologué et donc, officiellement tout au moins, on accordera au toulousain Léotard la paternité du numéro. Quoi qu'il en soit, les premiers " volants " évoluaient seuls avant d'exercer leur talent en troupe. Ils voltigeaient de " bâton à bâton ". Ce n'est que plus tard que ces troupes travailleront de " trapèze au porteur ". Nous verrons dans les jours qui viennent la traduction " rancynienne " de tout cela....