On ne pourra pas me reprocher aujourd'hui d'honorer un inconnu, puisque Géo Footitt (photo du haut), George Tudor Hall de son véritable nom, d'origine britannique, fut incontestablement l'un des éléments les plus représentatifs de l'art clownesque.
Comme beaucoup de clowns de son époque glorieuse, à savoir la fin du 19ème siècle, Footitt était aussi écuyer, sauteur, acrobate, mime, musicien, etc.... Il forma avec Chocolat (Rafaël Padilla), déjà évoqué dans ce blog, le premier duo clownesque permanent qui débuta en 1889 au " Nouveau Cirque ", et dont le succès, pendant quinze années, fut tout simplement prodigieux. Footitt, en costume bouffant et chapeau pointu, le regard dur, les cheveux hirsutes, la bouche grimaçante, symbolisait le clown blanc, un peu hautain, et très dur envers son partenaire qui jouait le rôle du pauvre idiot à l'allure gauche, qui, à tout propos recevait des gifles avec une mine ahurie, résignée et un air ostensiblement niais. Quelques entrées de Footitt, avec ou sans Chocolat, sont restées célèbres, la " Parodie de l'écuyère ", le " Téléphone ", le " Voyage d'Asnières ", où Chocolat jouait le rôle d'un voyageur de troisième classe que l'on enfournait dans un wagon à grand renfort de coups portés sur les épaules et la tête, et bien entendu la mythique " Noce ", créée au cours de la saison 1894-1895 dans l'établissement de la rue Saint-Honoré, et parodiant un mariage campagnard. Quand la vogue du duo s'estompa au début du 20ème siècle, Footitt et Chocolat quittèrent le " Nouveau Cirque ", et tandis que Chocolat poursuivit seul ou avec d'autres clowns son parcours artistique ( voir " C comme Chocolat "), Footitt monta un cirque avec ses fils, également clowns ou augustes, sans toutefois faire fortune, et essayant de se recycler sans davantage de réussite dans un bar du quartier des Champs-Elysées. Footitt mourut en 1921, âgé seulement de cinquante-sept ans.
Bien sûr, si j'évoque Géo Footitt dans la " Mémoire des Rancy ", c'est parce qu'il est certain que le clown parut un jour chez " Rancy ", mais il semble cependant difficile d'en donner l'année précise, comme de dire si ce fut avec ou sans Chocolat. Deux choses sont sûres toutefois : la première est qu'en novembre 1917, à Bordeaux, le partenaire de Chocolat était Bob O'Connor. La seconde, immortalisée par la photo ci-dessous prise chez " Rancy ", est que l'on vit Footitt et l'un de ses fils, sans doute Harry, sur une piste " rancynienne ", mais il est difficile, là encore, d'en définir une date exacte.
Tout ce que l'on sait, c'est que Papa Footitt mourut en 1921, qu'après son décès, son épouse, qui fut écuyère, continua à exploiter le " Bar Footitt " de l'avenue Montaigne, et que le couple avait eu quatre enfants : William Thomas, dit Tommy, Harry, Lily et Georges. William décéda en 1920 des suites de la guerre 14-18 (en 1927 selon d'autres publications). Georges et Harry retrouvèrent leur patrie, l'Angleterre, engagés chez " Noll's ", puis ce fut le retour en France chez les Rancy en 1925. Là, une jeune artiste peintre rouennaise, Mademoiselle Suzanne Delafosse, dont le père était courtier maritime, lauréate de l'école des Beaux-Arts de Rouen, qui adorait le cirque, fit un matin le portrait du joli clown blanc Georges, Georges Arthur très exactement, dit Géo (photo ci-dessus). Et ce fut le coup de foudre et le grand amour. Cet hyménée amena le couple à monter un nouveau numéro, Géo toujours en blanc et son épouse en auguste. Ils triomphèrent au Luxembourg, chez " Hagenbeck ", en Angleterre, chez " Mill's ", en France, chez " Rancy " et chez les Houcke également. La Belgique les applaudit dans des sketchs pleins de couleurs, de brio, de jeux comiques impeccablement réglés (fusil à eau, verre de vin, les oeufs, etc....). Géo jouait du saxophone, de la mandoline, de la guitare, du violon et madame l'auguste était à la grosse caisse. Harry, de son côté, tournait en Allemagne, en Pologne, etc.... Puis, vint la grande débâcle qui interrompit une glorieuse et merveilleuse carrière. Géo, sujet britannique, fut arrêté par les allemands pour être enfermé après des étapes douloureuses à Vittel. Madame Footitt subit également les rigueurs de l'Occupation. En 1940, on l'emmena en détention, d'abord à Besançon, puis à Vittel. Là, se retrouvant avec un troisième partenaire, l'auguste Louis, ils purent, pour les internés, monter des spectacles, voire des séances de guignol pour les enfants, un bel élan où le courage atteignant son paroxysme, fut précieux pour le moral de ces malheureux souffrant, en cet espèce d'exil, de froid et de faim. Après la Libération, quelque temps encore, le nouveau trio se produisit, mais la guerre avait usé leur santé. Les rouennais les virent plusieurs fois cependant chez Tilly et Henry Rancy, directeurs généreux, discrets, très bons qui n'avaient jamais oublié les Footitt, puis dans des galas, avec quelques clowns professionnels tel Billy Dalmet et d'autres encore. Le dernier en date, Teddy, qui fut là à la bonne école avec Géo, lequel, dans la renommée et la gloire d'un brillant tour du monde, parlant anglais, polonais et, bien sûr, français, ne donna jamais l'impression que son grand nom de Footitt fut difficile à porter, ayant donné au cirque consciencieusement un coeur d'or. Ce coeur d'or, qui avait tant donné, ne pouvait plus courir le monde et dut recourir à des travaux manuels dans son quartier à deux pas du " Cirque du Boulingrin ". Géo Footitt décéda en 1962. L'état civil annonçait à cette occasion : " Georges Arthur Footitt, 75 ans, homme de peine à Rouen, 3, impasse Verdière ".
Harry Footitt avait une fille vivant en Angleterre et qui, à priori, n'était pas circassienne. Quant à Tommy, il eût deux fils, Georges, mari de Rosita, danseuse, lesquels triomphèrent chez les Grüss au temps des Grüss-Jeannet et du " Grand Cirque de France " (On le vit notamment dans " Ben Hur " ainsi que dans le trio aérien des Rhobertys, un des meilleurs du spectacle de ce dernier établissement, et l'auguste William Victor Footitt (photo ci-dessus), souvent appelé Victor, à moins que ce ne fut le contraire, fut, chez " Napoléon ", puis " Sabine Rancy ", en compagnie du clown blanc Zino (Jules Bazin), trop tôt disparu, l'un des piliers des programmes entre 1963 et 1966. Le public d'alors pouvait applaudir leurs " comico-flash ", sortes d'intermèdes comiques, véritables fils rouges du spectacle, et des entrées clownesques à part entière dont la " Noce à Footitt " reprise en 1965, et dans laquelle William interprétait le rôle que tenait Chocolat quelques soixante-dix ans plus tôt ( voir " N comme Noce à Footitt "). Et, comme au cirque, la règle est souvent d'être polyvalent, Footitt assurait aussi, durant cette même époque, les fonctions de chef du matériel, puis de responsable du convoi routier du " Cirque Sabine Rancy "....