Artiste
Jongleur
S'il est un jongleur qui mérite bien qu'on lui appose le qualificatif de comique, c'est bien de Repp dont il s'agit. Comique et comédien aussi.... Fermez les yeux une minute et imaginez quel pouvait être son numéro. L'orchestre jouait une berceuse sur un rythme lymphatique voire exténué. Là dessus, que ce soit au cirque ou au music-hall où l'artiste se produisit plus souvent, le rideau se levait et apparaissait, assis sur un trône, avec beaucoup de dignité, un personnage au teint pâle, revêtu d'un long manteau, et coiffé d'une couronne en métal vulgaire. Son visage blême et ses moustaches qui tomaient et se redressaient tour à tour, lui donnaient l'aspect professionnel et courroucé d'un employé des pompes funèbres. Tel était Repp, que dis-je King Repp le roi République ! Symbole ? Parade d'Alfred Jarry. Le père Ubu qui trouait la lumière et renaissait. Le fait était que cet homme attristant et solennel jonglait avec son sceptre, ses chapeaux de formes diverses, son abat-jour, une pomme, une lampe, un verre, une carafe, tout en fait, comme s'il parodiait, vandale, dévastateur, la danse effrénée dépourvue d'équilibre et de raison, des promesses parlementaires, des impossibilités de réalisations gouvernementales, de l'exploitation des sentiments crédules et tenaces d'antan. Comme jongleur, certains disaient que King Repp était honorable, sans plus. Pour les autres, il était l'un des meilleurs de son époque. Comme comique, en revanche, tout le monde s'accordait à dire qu'il était hilarant. L'épisode de la pomme mangée en jonglant, exercice qu'il n'avait toutefois pas inventé, témoignait, en tout cas, d'une virtuosité peu commune, tout comme ses " loopings " de six balles à la fois dans des doubles cerceaux, comparables à ceux que ceux qu'utilisaient le grand Rastelli autrefois, disposés en trèfles au sommet d'un perche verticale. L'un de ces appareils était placé sur le pied droit levé en avant, le second attaché à une ceinture dans le dos, un autre encore sur le chapeau, un quatrième sur un bâtonnet placé entre les dents, et enfin, deux derniers sur des bâtonnets tenus dans chaque main. De plus, ces balles de couleur, phosphorescentes, ne tournaient pas dans le même sens et donnaient, dans l'obscurité, un effet féérique où les balles semblaient animées d'effets très personnels. Au final du numéro, une très faible clarté violette baignait ces petits astres colorés de vert et d'orangé poursuivant leurs circonvolutions capricieuses, tandis qu'apparaissait, au milieu d'eux, la silhouette sombre de l'animateur se dirigeant à cloche-pied vers les coulisses tandis que le rideau tombait. Le " Cirque Jean Houcke " à Amiens en juillet 1936 présenta King Repp, incontestable vedette de sa discipline et du spectacle de bien des lieux internationaux où il passa....
Mots clés : Houcke cirque jongleur comique
Prochain article : " Chez les Rancy, à travers les âges " avec une photo d'un trio de jongleurs datant de 1982. Vous avez certainement deviné de qui il s'agit.