De l'importance du costume au cirque
Dans le numéro de Loïe Fuller, le costume prend toute son importance. Mieux, il est l'essence même de sa danse serpentine, comme je l'écrivis un jour:
Qui se souvient encore aujourd'hui de Loïe Fuller ? Qui se souvient de celle que l'on surnommait la " Fée des Lumières " qui fut une révélation pour les critiques, mais aussi les peintres et les poètes ? Qui se souvient de ce numéro fait de visions magiques qui lui valurent une réputation mondiale ? Qui se souvient de son spectacle aux cent cinquante personnes, musiciens, danseuses et choristes soulignant, par la parfaite exécution d'un programme musical hors de pair, les jeux, les évolutions et les rythmes de l'aérienne et lumineuse phalange ?
Loïe Fuller qui est considérée comme la créatrice de la danse serpentine, ne s'arrêtait en effet pas là. Elle était, comme on l' a écrit " une fée qui commande la lumière ", ou bien encore, comme le disait un critique, " elle a inventé une nouvelle forme d'art ", cherchant à pénétrer le mystère des jeux de lumière et arrivant ainsi à d'étonnantes réalisations. En maniant les projections des ombres, elle arrivait à des effets qui allaient de l'humoristique au pathétique.
Si Loïe Fuller ne s'est jamais produite dans un spectacle des Rancy, ni sur l'une de leurs pistes, ni sur une scène qui aurait pu être celle des Gallici-Rancy, on peut affirmer, en revanche, qu'elle fit une apparition chez les Rancy. C'était en juin 1893, à Genève, où l'artiste fut engagée pour un spectacle intitulé " Etoiles de Paris ", lequel comprenait, en première partie, uniquement de la danse avec des " étoiles " que l'on disait ne pas être toutes de première grandeur, et, en seconde moitié, d'une part, des attractions de cirque, comme celle des " volants " Hanlon Volta, et de music-hall, tels le numéro de tir à la carabine et au pistolet de Mademoiselle Alexandrine Martens et le tour de chant de Mademoiselle Debriège, et donc, Loïe Fuller qui tenait toutes ses promesses grâce à ses danses dont le succès ne tenait non pas dans les contorsions de son corps à l'instar des ballerines classiques, mais plutôt dans les draperies flottantes dont elle tirait tous les effets grâce aux feux des projecteurs. Avant son apparition en piste, la salle et la scène qui avait été montée sur la piste, étaient plongées dans l'obscurité. Tout à coup, on voyait apparaître l'artiste sur les tentures sombres qui formaient le décor. Eclairée subitement de rayons électriques aux couleurs changeantes, la danseuse s'animait, légère et effleurant à peine le sol, faisant vivre sa longue jupe qui prenaient les formes les plus variées, depuis celle d'un calice à celle d'une spirale ou d'un gigantesque papillon en passant par des vagues qui s'élevaient et se rabaissaient sus l'influence d'une tempête. Une apparition chez les Rancy, ai je dit plus haut.... En réalité, il semblerait qu'il y en ait eu une seconde. Il se raconte, en effet, qu'en 1923, à Caen, quelques jours avant de présenter son spectacle, elle apporta son concours au
" Cirque Rancy " qui s'y était arrêté le temps de quelques représentations, pour le réglage des lumières du numéro des gymnastes aériens Astrals. Le descente de la corde lisse sous les feux des projecteurs avec des effets d'ombre et des jeux de lumières donnait alors aux spectateurs caennais un avant-goût des pleines réalisations auxquelles ils allaient pouvoir assister un peu plus tard.
Née à Chicago en 1870, Miss Loïe Fuller se révéla en France vers le fin des années 1880, débutant alors aux " Folies Bergères " dans une danse de sa composition intitulée " la danse du feu ". Après cette brève apparition, elle s'en retourna en Amérique avant d'effectuer de grandes tournées à travers le monde. A Paris, elle dansa à l'opéré, puis au" Théâtre des Champs
Elysées " où elle créa la mise en scène d'oeuvres musicales de Claude Debussy. Ce fut dans notre pays qu'elle fit la plus grande partie de sa carrière, bénéficiant d'une renommée considérable. L'artiste était connue pour sa grande générosité, prêtant notamment son concours à nombre d'oeuvres de charité. Durant la guerre, avant que les Etats Unis ne se rangèrent du côté des Alliés, elle fit une propagande ardente, par voie de conférence, dans tout son pays, usant de sa notoriété pour combattre les pro allemands abstentionnistes. Lors de ses conférences, elle utilisait des projections photographiques montrant les atrocités commises par les allemands dans le Nord de la France et en Belgique. malheureusement, Loïe Fuller, en pleines mises au points de nouvelles chorégraphies dans sa propriété de Neuilly, décéda brutalement en 1928, terrassée par une forme particulièrement maligne de pneumonie.
Si le costume est donc parfois la raison d'être du numéro, il s'avère, la plupart du temps, adapté à celui-ci. Au cirque, comme au music-hall, il peut être imposé par l'origine même du travail ou par quelque souvenir se rattachant à la tradition professionnelle, ou tout simplement par la mode. Mais, le plus souvent, son choix témoigne de la fantaisie de l'artiste qui le porte, et de son désir de frapper l'imagination du public. Il arrive aussi que le costume soit combiné afin de rendre plus saisissant le travail lui-même. Il peut ainsi détonner par son aspect, son originalité, sa couleur ou aussi par sa quasi-absence. Du costume réduit à sa plus simple expression au plus sophistiqué, en passant par le costume coloré et le costume rayé, je vous propose d'évoquer successivement, cette semaine, les Athéna, Rodella Ruis et Artix, Ryan et Burke et enfin, la troupe d'Alfonso Sayton.
Demain soir, second article de la nouvelle semaine et premier article inédit. On évoquera l'un des meilleurs numéros d'" art et force " de tous les temps, celui des Athéna