A une époque, la nôtre, les numéros de perroquets connaissent un regain de succès au cirque, à en frôler l'indigestion.... Je dis bien " regain " car ces présentations avaient déjà bénéficié des faveurs du public en des temps plus lointains. Parmi elles, il en est une qui se distinguait quelque peu des autres. Ce fut celle du marseillais Rémy Ventura, lequel présentait Coco, un perroquet devenu célèbre en peu de temps à la fin des années 1920. Autrement dit, lorsque le couple homme bête effectua son sketch sur la piste du " Cirque Houcke-Rancy " à Bordeaux en 1931, il était déjà un duo vedette. Sketch, oui, le mot est exact ! Il ne s'agissait pas en effet d'un numéro classique où les péripéties, prévues, voulues, soigneusement préparées et amenées, se répétaient, identiques dans un ordre immuable. Non seulement, Coco, prodigieux imitateur, parlait, chantait et dansait, mais pendant vingt minutes, il jouait la comédie avec finesse, lançait les répliques avec justesse, exprimait tour à tour la douleur et la joie, riait et pleurait à propos, s'égosillait réellement en se tordant aux larmes, lançait des sanglots déchirants, imitant le chat, la scie, lançait le contre-ut, suivait l'orchestre en mesure et dans le ton, vocalisait comme un rossignol, paraissait faire des confidences à l'oreille de son maître, etc.... tout cela avec un naturel parfait, j'allais dire presque humain. Un animal ? Bien sûr, mais un animal-comédien. Certes, Rémy Ventura, chanteur et danseur plein d'entrain et de bonhomie méridionale, entraînait Coco avec une parfaite aisance. Mais le miracle, c'est que l'oiseau paraissait véritablement comprendre ce qu'on lui demandait et qu'il y ajustait ses réponses, ses battements d'ailes, ses mouvements de col, ses trémoussements, ses roucoulements, ses éclats de rire, ses plaintes, ses hoquets, ses sanglots. Une si parfaite docilité, une entrée si complète dans le jeu de l'homme, relevaient mieux, relevaient plus que du dressage. Mais quoi ? De l'intelligence, oui, sans doute. Qui sait, de la tendresse peut-être.... Coco et son maître ne jouaient pas, ne donnaient pas l'impression de jouer. Ils avaient l'air de vivre ensemble, comme de bons compères marseillais qui passaient leur temps à s'étonner.
Mais, comment l'idée de ce numéro, pardon de ce sketch, qui dépassait le dressage habituel, était elle venu à Ventura ? A cette question, l'artiste répondait qu'au cours de ses nombreuses pérégrinations de chanteur, il guettait l'occasion de le réaliser. Un jour, sur un bateau qui le ramenait du Sénégal, il avait choisi Coco parmi cinq cent autres perroquets. Agé de deux mois, il était alors tout petit. Il l'avait presque élevé. Il lui avait parlé. Il l'avait traité comme un enfant. Se tournant vers sa femme, Ventura disait: " Nous n'avons pas d'enfant. Coco est un peu notre enfant...". Le dressage de Coco avait duré six années. La partie la plus dure n'avait pas été le dressage à proprement parler, mais la mise au point du numéro soigneusement préparé dans l'intimité, devant le public. Ventura n'avait pas en effet commencé à se produire avec son perroquet prodige dans de grandes salles mais devant des publics restreints, travaillant ainsi, au fil des années, de cafés en cafés. Cette acclimatation dura presque deux ans. Coco se familarisait petit à petit avec une assistance de plus en plus nombreuse, et un jour, ce furent les débuts en public, devant la presse. Coco avait ainsi pris son envol vers la gloire. La gloire, le mot n'était pas trop gros. Non seulement, des artistes et des imprésarios du spectacle se sont intéressés à Coco et à Rémy Ventura, mais des profanes, mondialement célèbres il est vrai, ont applaudi à leurs exploits: " Coco a deux qualités: la franchise et la simplicité. C'est un élève remarquable et je félicite sincèrement son professeur ", disait Maryse Hiltz. Et Costes déclarait: " A Rémy Ventura, au père de Coco, toute mon admiration pour son fils si extraordinaire...". Oui, Coco était vraiment un phénomène, un phénomène que l'on revit au " Cirque André Rancy " en 1934....