Jean Richard, dans " Envoyez les Lions ", disait ceci : " Certes, Bidel fut le plus grand, mais il ne faut pas oublier pour autant les Pezon ". C'est au célèbre comédien circophile et dresseur de fauves lui-même, que j'emprunte le texte qui suit: " La dynastie des Pezon, l'une des plus belles qui fleurissent au palmarès des gens du voyage. Elle est compliquée et mériterait à elle seule un ouvrage tout entier. Né en 1793, Pierre Pezon, né en Lozère, revint par miracle de la Bérésina de Leipzig, et même de Waterloo. On lui doit cinq fils : Jean, Alexandre, Baptiste, Justin et Théodore. A dix ans, le premier, aventureux, gardait déjà des moutons et des chèvres dans la montagne, ce qui lui permettait d'observer les évolutions des vautours. On raconte qu'il réussit même à s'emparer de deux petits rapaces qu'il apprivoisa et exhiba durant l'hiver dans les écoles. Mais, l'hiver 1835 ayant été sibérien, les vautours moururent, mangé par un immense loup qui n'était pas sans rappeler un autre " monstre " bien connu dans cette région du Gévaudan. Les bergers étaient évidemment terrorisés, sauf Jean Pezon qui avait juré de se venger du loup. Alors âgé de seize ans, il creusa des fosses, dissimulées par des branchages, mena son troupeau entre ces pièges, et, un soir, tandis que le troupeau fuyait, il vit la bête entraînant un mouton dans la gueule et disparaissant dans le trou béant qu'il avait créé. Aidé de quelques camarades, Pezon descendit dans la fosse avec un gourdin et un noeud coulant. Il arrêta le loup avec le bâton, lui passa le noeud coulant, passant la corde hors de la fosse afin que ses amis bergers puissent hisser l'animal aussitôt. A demi étranglé, on lui lia les mâchoires, on le ficela et Jean Pezon le chargea sur les épaules. Il devait alors le présenter dans toute la région, en une tournée fructueuse car tout le monde voulait voir le " monstre du Gévaudan " qui avait terrorisé toute la contrée. Son frère Alexandre le remplaça au gardiennage du loup, mais, un matin, il trouva son loup empoisonné. Retournant à Saint-Chély d'Apcher, Jean Pezon rencontra sur son chemin trois hommes traînant à leur suite autant d'ours se dandinant comiquement. Un des hommes n'était autre que Yorick, célèbre " tombeur d'ours ", se surnommant le " sauvage des Cordillières ". Les baladins se rendaient à ustou en Ariège où l'on achetait alors des oursons élevés sur place et à qui - le procédé était évidemment monstrueux - on perçait la cloison nasale pout y river l'anneau de fer qui devait servir à réprimer leurs velléités de révolte. Moyennant quoi, on apprenait ensuite tout le répertoire comique par des moyens on ne peut plus discourtois. Pezon obtint de faire partie du voyage et acheta pour trente six écus un ourson pyrénéen. Revenant à Saint Chély, il emmena avec lui son frère Baptiste. La dynastie des Pezon était née.... Deux ours bruns pour Jean, deux loups pour Baptiste, le nom de Pezon devint vite célèbre et on le baptisa " Jean de l'ours ". Justin et Théodore, les deux autres frères, se joignirent bientôt à eux. Ils montèrent un " métier ", qui était surtout une ménagerie de combat : la lutte d'un ours muselé et enchaîné à un piquet avec des dogues " en liberté ". Il est difficile, de nos jours, de penser qu'un tel spectacle puisse exciter les foules. Et pourtant, c'était le cas. En 1860, la fièvre du combat atteignait même une telle ferveur que l'on dressait des des chiens en vue de ces rencontres au cours desquelles les paris allaient bon train. " Jean de l'Ours " possédait un ours invaincu, Karatchou, formidable ours de Russie. Les propriétaires de chenils se liguèrent pour abattre Karatchou et proposèrent à Pezon une lutte entre douze énormes dogues et l'ours. La lutte eût lieu aux arènes de Toulouse devant une foule innombrable, et Karatchou sortit vainqueur du combat. Un propriétaire de chien, furieux, chercha querelle à Jean Pezon. les deux hommes en vinrent aux mains et, tandis que le propriétaire des chiens couchait à terre Pezon, Karatchou avança et broya le crâne de l'homme. De ce jour, un arrêté préfectoral interdit heureusement ce genre de combats. Ensuite, les Frères Pezon se séparèrent et montèrent, chacun de leur côté, une ménagerie. Leur nom fut sans doute le dernier au fronton des grands établissements forains. Baptiste, qui racheta la ménagerie de Jean, mort en 1874, se rendit célèbre avec son lion Brutus qu'il chevauchait dans la cage, et avec l'ours Croom, qui lui infligea le seul accident de sa carrière. Au cours de celui-ci, son fils Adrien, âgé de seize ans, entra dans la cage et, avec une baïonnette, fit reculer l'ours. A soixante dix ans, Baptiste Pezon présentait encore ses fauves. Il mourut dans sa caravane en 1897 et ses obsèques grandioses eurent lieu dans sa ménagerie. Adrien Pezon, malgré des débuts prometteurs, ne maintint pas le flambeau et, en 1909, les bêtes furent vendues au " Jardin d'Acclimatation ". En revanche, ses deux soeurs avaient épousé leurs cousins germains, Alexandre et Edmond, fils de Théodore. Alexandre eût une carrière courte. Il mourut à trente cinq ans couturé de cicatrices dues à sa témérité. Edmond, quant à lui, porta longtemps le flambeau de la dynastie, formant lui-même de grands dompteurs tels Henry, Carrère, Mac Donald et surtout Fortuné Létang, alias Fortunio. Parallèlement, les enfants de Jean Pezon montèrent aussi une ménagerie et l'un d'eux, Eugène, devint célèbre, mais fut tué par un fauve à seulement vingt quatre ans. Madame Pezon interdit alors aux autres enfants de faire travailler le lion homicide jusqu'au jour où un homme, un inconnu, gymnaste et funambule, se fit adopter par la famille Pezon. Il s'appelait Castanet. Il fit à nouveau travailler Brutus, épousa Joséphine Pezon, et continua à mélanger dressage et travail sur fil de fer à grande hauteur. Trop grande sans doute, puisqu'il tomba un jour à Angers et se tua. Et il y eût encore des Pezon, tels Gilbert et son fils, qui poursuivirent l'aventure - le terme n'est point exagéré - une aventure qui s'acheva, j'ai envie de dire heureusement, au cours de la seconde guerre mondiale ". Quelle histoire que celle des Pezon ! Mais, pourquoi donc l'évoquer ici ? S'il n'existe, en effet, aucun lien de parenté entre les Pezon et les Rancy, au même titre que les Bidel ou encore les Plège, les deux familles se côtoyaient bien évidemment sur les champs de foire et ce, d'ailleurs, bien avant la création du " Cirque Rancy ". Ne trouve t'on pas les prénoms de Théodore, Justin, Baptiste ou bien Joséphine dans toutes ces dynasties ? Les Pezon étaient de tous les événements familiaux " rancyniens ", " bidéliens ", " plégiens ", que ce soient les mariages, les baptêmes ou les enterrements. Et puis, un certain Pezon - peut-être Adrien ou Gilbert - se serait, même si je n'en ai aucune preuve formelle, un jour produit chez les Rancy, sans doute éphémèrement, à l'occasion d'une soirée de gala probablement. Pour toutes ces raisons, la, ou plutôt, les " Ménageries Pezon " ont toute leur place, aux côtés des Bidel et bien d'autres dynasties de la banque française, dans la " Mémoire des Rancy ".
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