R comme Rodella Ruis et A comme Artix : quand la couleur du costume devenait un atout (19 septembre 2023)

Quiconque a vu le numéro de cycle du duo Lyd chez " Arlette Grüss " voici quelques saisons, imaginera forcément celui que Rodella Ruis et Artix présentèrent, entre autres, chez " Napoléon Rancy " à Rouen en novembre 1928, renouvelant ainsi, pour l'époque, un genre quelque peu désuet. C'est Rodella qui apparaissait d'abord sous le rayon des projecteurs, telle une tâche de lumière mouvante dans la pénombre de la salle. Sur une bicyclette toute blanche, la tête serrée par un bandeau couleur argent, vêtue d'une courte jupe de couleur noire à fleurs et d'un corselet rouge laissant la taille libre et nue, elle se livrait avec brio à des exercices connus. Artix, son compagnon, qui ne tardait pas à la rejoindre, se mettait à l'aise en enlevant son smoking. Après avoir effectué avec une maîtrise frappante tout ce que les acrobates cyclistes font tout seuls - marche arrière, pirouettes, passage dans le cadre, équilibres divers, - ils effectuaient presque tous ces exercices à deux, en colonne sur la même bicyclette, la femme assise sur les épaules de son partenaire. Le cycliste, debout sur la selle et le guidon, jonglait avec trois balles, le temps de plusieurs tours de piste. Puis, la machine étant cabrée sur la seule roue arrière et Artix ayant toujours Rodella sur les épaules, les artistes effectuaient des pirouettes folles sans enlever au public ce sentiment de sécurité  que procure tout travail acrobatique d'un style soutenu et d'une mise au point parfaite. Artix se livrait encore à d'audacieuses combinaisons sur un tandem à deux selles débarrassé de son guidon et dressé en équilibre sur sa roue arrière. Rodella , tenant la main de son partenaire, exécutait sur l'autre main de brillantes rondades avec d'autant de facilités que de danser un menuet. Enfin, les yeux bandés, évoluant avec aisance sur la même machine, tantôt en porteur, tantôt séparément, en vingt figures ingénieuses qui mériteraient d'être étudiées en détail, ils terminaient leur prestation d'un mouvement brillant qui portait à son comble le juste enthousiasme des spectateurs.