Toutes les cavalières de cirque ne tombent mortellement pas en piste. Il en est qui vieillissent et meurent dans une modeste retraite banlieusarde de quelque capitale européenne, telle la petite dame à cabas que les joinvillais croisaient régulièrement dans les rues de leur ville. Cette petite dame, c'était Louise Renz, autrement dit Madame John Price, descendante d'une famille de cirque à laquelle appartenait le fameux " Zigeuner " allemand qui, de 1950 à 1890, par la splendeur de ses programmes, fit de Berlin la capitale du cirque, détrônant ainsi le Paris des Franconi et de Dejean. Louise Renz décéda le 28 août 1949 à l'âge de quatre-vingt-sept ans dans la cité d'un département qui s'appelait encore la Seine. Et personne, en dehors peut-être des amateurs de cirque férus d'histoire, ne pouvait alors imaginer qu'elle avait jadis déchaîné les acclamations d'un public enthousiaste dans la plus belle belle arène qui fut, en ayant été la première femme en Europe à avoir effectué un saut périlleux sur un cheval au galop, à l'imitation de l'écuyère américaine Mollie Brown. Ouvrons le " Dictionnaire des Artistes de Cirque " du Signor Saltarino, et au nom de Louise Renz, on lira : " fille de Leonard Renz et d'Euphrosine Godefroy, grande écuyère à panneau ". Le vieux poète aveugle avait toutefois commis une erreur, bien pardonnable, tant les dynasties circassiennes sont souvent complexes. Si elle était bien la fille de Léonard, sa mère se dénommait, en réalité, Chabot, du nom d'une ancienne famille de cirque et de théâtre au sein de laquelle se trouvaient effectivement des Schossig Godefroy. Autre erreur, un peu moins pardonnable en revanche, celle de l'écrivain Edmond de Goncourt, l'auteur des " Frères Zemganno ", qui, évoquant Miss Zéphora qui se tua, en 1880, en voulant effectuer le saut périlleux que Louise Renz devait réussir à " tourner " une année plus tard, affirmait à peu près à la même époque, qu'on n'avait encore jamais vu une femme exécuter une telle prouesse ! Louise Renz aura donc pu couler ses derniers jours dans la paix d'une calme retraite. Elle vécut avec sa fille, Madame Henry Rancy, et son gendre, au 22 de l'avenue Racine à Joinville le Pont, jusqu'à sa mort. Seuls les noms inscrits sur son faire-part mortuaire, noms illustres dans les annales du cirque à l'image des Renz, des Price, des Rancy, des Ciniselli, des Péres, des Fratellini, des Rastelli et j'en passe, évoquaient alors les jours de gloire de l'étoile défunte.
Même si Louise Price-Renz n'eût jamais l'occasion de se produire chez les Rancy, il n'en demeure pas moins que, de par ses attaches familiales, elle a, bien entendu, toute sa place dans la " Mémoire des Rancy ".