Ne cherchez pas Upilio Faïmali dans un programme des Rancy, vous ne le trouverez pas. Pour avoir des traces de ce dompteur forain, il faudrait se plonger dans la généalogie de la célèbre dynastie, et encore, dans une généalogie très élargie, autrement dit celle qui n'existe pas, tant elle est tentaculaire.
On découvrirait alors que Faïmali, né à Groparello en Italie en 1826 et mort à Pontenure en 1894, surnommé le " plus européen des dompteurs italiens ", fut le beau-père du grand François Bidel - et c'est en cela évidemment qu'il a sa place dans la généalogie des Rancy - puisqu'il épousa la mère de celui-ci, devenue veuve très jeune. A l'origine, Faïmali se produisait sur les champs de foire de France et d'Italie, alors que rien ne le prédisposait à devenir l'un des meilleurs dompteurs de la seconde moitié du 19ème siècle. Dernier-né d'une fratrie de sept enfants, issu d'une famille d'agriculteurs, il rêvait de parcourir le monde afin d'aider sa famille. Ainsi, à onze ans, il décida de quitter sa terre natale pour la France, avec plein de projets en tête. Il traversa Piémont et Savoie, coucha dans des granges et des écuries. Mais, seul à cet âge sur les routes, il fut interpellé à plusieurs reprises par la maréchaussée, invoquant à chaque fois une histoire acadabrantesque. Son imagination débordante lui permettra de toujours traverser les mailles du filet, et c'est ainsi qu'il se retrouvera un jour à Colmar en plein carnaval, au milieu des baraques foraines. C'est à ce moment-là qu'il rencontra le " Cirque Didier Gauthier ", et que plusieurs jours après avoir rôdé autour du chapiteau, il demanda à rencontrer le directeur. Bluffé par le jeune garçon qui lui raconta qu'il était capable de nourrir les bêtes et de rendre de multiples services, en échange du gîte et du couvert, celui-ci l'embaucha sur le champ. Et c'est ainsi qu'Upilio Faïmali eût l'occasion de parcourir l'Europe avec le " Cirque Gautier ", apprenant par la même occasion toutes les facettes du métier. L'intelligence instinctive du jeune homme et son amour des animaux firent le reste. Trois mois après avoir débuté dans l'établissement, il se retrouva sur sa piste comme " cavalier acrobate ", réalisant entre autres des sauts périlleux à cheval. La carrière d'écuyer de Faïmali se prolongea quelques années, jusqu'au jour où celui qui était devenu un homme proposa au directeur, un numéro exceptionnel capable de doubler les recettes de l'établissement. " Un écuyer venant de Paris et réalisant des prouesses extraordinaires....", lui avait-il promis sans donner plus de précisions. Etonnement de M. Gauthier qui mit un temps à se décider, et ce, d'autant que Faïmali, d'ordinaire assez mal payé, avait au culot assorti son offre d'une prime mensuelle supplémentaire. Le directeur finit par accepter la proposition. Faïmali lui dit que l'artiste arriverait au dernier moment, tout en lui réitérant que ce serait un succès. Si ce n'est que le jour dit, l'artiste n'était pas là, et Gauthier songeait déjà à présenter ses excuses au public qui commençait à s'impatienter, quand soudain apparut en piste, un singe en uniforme militaire chevauchant un terre-neuve. Eh oui, l'écuyer parisien était bel et bien là. L'effet de surprise passé, l'enthousiasme des spectateurs fit le reste. quant aux belles recettes du cirque, n'en parlons pas ! A l'insu de tous, Faïmali avait réussi à dresser singe et terre-neuve qui se comportaient comme écuyers et acrobates à cheval. Avec cette attraction, il parcourut l'Europe entière avec le même succès, jusqu'au jour où, à Copenhague, quelqu'un - sans doute un concurrent jaloux - empoisonna le " singe écuyer " qui mourut. Mais notre artiste ne se laissa pas abattre pour autant. Fort du pécule amassé au cours de toutes ces années, il acheta quelques bêtes, hyène, singes, loups, panthères, etc..., qu'il dressa avant de reprendre la route avec cette fois sa propre ménagerie. A Bruxelles, il se présenta pour la première fois face à un lion. Il se retrouva un peu plus tard en France, où il fit la connaissance de Madame Bidel qui venait donc de perdre son mari. Ils s'associèrent et convolèrent même en secondes noces, comme nous le savons. Mais le jeune François Bidel ne s'accordait point avec Faïmali que l'on disait très autoritaire. Aussi, il quitta la ménagerie familiale pour voler de ses propres ailes, rencontrant notamment les Rancy dont il deviendra plus tard le régisseur. Faïmali et son épouse poursuivront leur route européenne. Ils se rendront en Afrique afin de capturer eux-mêmes leurs fauves, notamment en Kabylie. On dit que Faïmali en ramena vingt-six, douze lions et quatorze panthères et léopards, qui lui permirent de conforter sa célébrité auprès du public. Ainsi, à Paris, à Marseille, en Allemagne, aux Pays-Bas, et dans d'autres pays encore, il présentait " la chasse à la panthère ", au cours de laquelle il évoquait avec talent ses aventures africaines, faisant toujours rêver l'assistance. Son succès le mena même à la Cour d'Angleterre, et bien entendu dans son pays natal, l'Italie. En 1871, alors qu'il se trouvait à Ferrare, en compagnie de sa femme, François Bidel, devenu dans l'intervalle dompteur connu et même reconnu, vint au chevet de sa mère mourante, l'occasion pour lui de revoir Faïmali et de renouer le contact, à tel point que les deux dresseurs s'associèrent pour une grande tournée transalpine, qui les mena à Naples, Florence, Rome, Turin, Gênes, mais également dans le Piémont où ils donnèrent une représentation devant le Roi Victor-Emmanuel. Un grand souvenir que l'on retrouve dans les " Mémoires " de François Bidel. Mais les deux hommes avaient chacun un fort caractère, et un jour une dispute les sépara une nouvelle fois, ce qui mit fin à leur association. Pas pour longtemps d'ailleurs, puisqu'ils se réconcilièrent et se réunirent à nouveau. Faïmali, las des tournées, finit même par céder ses fauves à son beau-fils, avant de se retirer dans sa propriété de Pontenure où il se remaria avec une jeune femme du pays.
Telle fut la vie passionnante et passionnée d'Upilio Faïmali, une vie qui a toute sa place dans la " Mémoire des Rancy ", de par les liens très étroits que le " plus européen des dompteurs italiens " entretint avec Bidel, dont le lecteur connait bien les rapports avec la famille Rancy. On sait donc désormais où le placer dans l'arbre généalogique de cette dernière....