La semaine dernière, je n'ai pas évoqué Odette Bouglione, fille aînée de Rosa et Joseph, tout simplement parce qu'en 1946, quand les Carolis se produisirent au " Cirque Napoléon Rancy " avec leur numéro équestre, Odette n'avait pas encore épousé Francesco qui, avec ses frères Enrico et Ernesto, formaient aussi le beau trio clownesque des Francescos
Ce furent surtout leur voix qui portait, leurs gestes et leurs mimes qui attiraient le regard le plus reculé qui firent parler des Francesco. Pas mal d'ouvrages et de publications évoquent ces trois italiens, maîtres en art clownesque. Il y avait Enrico et Ernesto, les augustes, et Francesco, le " blanc ", l'un des plus élégants qui existât. Les Francesco qui appartenaient à la famille Caroli, avaient une autre corde à leur arc. Ils étaient aussi, et avant tout, de remarquables acrobates équestres avec trois autres partenaires, et contrairement à d'autres artistes, ils ne devinrent pas clowns pour avoir une bouée de sauvetage sachant que leur âge limiterait un jour leurs prouesses acrobatiques, mais par une nécessité historique. En ce temps-là, c'est-à-dire en 1939, pour être plus précis, les Francesco qui s'appelaient encore les Caroli, formaient donc l'une des meilleures troupes mondiales de pyramidistes équestres. Deux d'entre eux, Enrico et Ernesto, qui travaillaient alors avec leur frère aîné Camillio, s'étaient fait apprécier au " Cirque d'Hiver ". Mais, l'ombre de la guerre et les réquisitions possibles des chevaux les menaçaient. Ils songeaient alors à une reconversion clownesque. Leurs débuts dans cette discipline eût lieu sous le chapiteau " Sarrasani " en 1940 et ce fut un réel succès. Ayant pris pour pseudonyme le nom du benjamin, Francesco, ils avaient tenu à ce qu'elle soit considérée comme une autre face de leur talent: loin de la traiter en activité annexe, ils lui accordaient autant d'attention et de conscience que pour leurs exercices de cavaliers. Se rappelant à propos que leur père, Alberto, avait aussi animé avec ses frères Arturo et Boda, un trio comique, ils puisèrent dans leurs souvenirs pour choisir leurs silhouettes. Comme pour les Fratellini, leur fraternité contribua à donner un solide équilibre à leurs entrées auxquelles participaient leurs enfants et petits-enfants. De plus, bons musiciens, ils en savaient tirer profit dans un savoureux style banquiste. Avec eux, la comédie de piste débutait et s'achevait en fanfare. Habitués des grands chapiteaux, je les vis au " Cirque Bouglione " en 1974. Il faut rappeler que Francesco Caroli avait épousé en 1947 Odette Bouglione, fille aînée de Rosa et Joseph Bouglione. Un an auparavant, les Francesco, et c'est peu connu, furent engagés au " Cirque Napoléon Rancy " sur une partie de la tournée ainsi qu' à Rouen.
Les Francesco usaient de la clownerie à accessoires sans jamais se laisser étouffer par ses effets. Et là encore, on s'aperçoit ce que leur jeu , à la fois pétulant et gentil, avait de " fratellinien ". Les ans n'avaient pas de prise sur eux, car, dans cette famille, comme dans bien d'autres dynasties circassiennes, les jeunes assurèrent la relève tant au niveau de la clownerie que de l'art équestre, au moins durant un certain temps. Ainsi, Domenico, fils de Enrico, remplaça son père. Et de nos jours, on retrouvait encore des descendants des Francesco-Caroli sur nos pistes, tels Alberto, fils de Domenico et Christiane, chaque année au " Cirque d'Hiver ", durant de nombreuses saisons, et actuellement au " Moulin Rouge ", et puis, bien sûr, Célia Berthier-Caroli, petite-fille d'Odette et Francesco et fille de Michelina Caroli et Alain Berthier, qui fut une dynamique " Madame Loyal " chez " Médrano ", laquelle excella également sur cette piste, et d'une façon magistrale, dans la présentation des exotiques, avant de créer bientôt son propre spectacle intitulé " Loyale ", mais pour le théâtre.
Evoquer les Bouglione, c'est donc aussi revenir sur quelques grands noms de la banque auxquels ils sont alliés. C'est ce que nous ferons à l'occasion de la semaine qui s'ouvre.