Il est loin le temps où les organes de presse écrite proposaient à leurs lecteurs des articles complets consacrés à des numéros de cirque. C'est ce que faisait régulièrement le " Progrès de la Somme " dans ses " Chroniques du Cirque " chaque fois qu'un cirque se posait dans la capitale picarde. C'est ainsi que le vingt-trois juillet 1943, on pouvait lire ceci à propos des Dallys : " A un an dont toutes les figures se développent avec cette espèce de divine aisance qui dénote chez des acrobates de grande classe par excellence. Dallys et ses deux gracieuses partenaires dosent judicieusement les effets de force et d'équilibre au terme d'une présentation élégante et quasi-impeccable. On ne saurait ici décrire les aspects de ce travail d'un fini achevé, dont il convient de retenir toutefois la dernière phase où le porteur tenant sa partenaire par les pieds, effectue, arc-bouté sur une sorte de " trinka " d'un genre nouveau, une descente en souplesse arrière compliquée d'une remontée en force. Exercice hardi et brillant qui n'attise que des éloges ". Ce que ne précise pas le quotidien régional, c'est que le trio en question était composé de deux artistes au nom fameux de la banque circassienne, Louis De Dessus Le Moustier et son épouse, accompagnés d'une partenaire. Ce numéro parut donc au " Cirque Jean Houcke " deux années consécutives (1942 et 1943), vu son succès, ce qui était d'ailleurs assez rare chez les Houcke. Créé en 1944, en même temps que le " Cirque Moustier ", dirigé par Louis et son Frère Emilien, avec lequel les deux frères tournèrent cinq années durant, il poursuivit ensuite son chemin au sein de divers chapiteaux européens. En 1951, la partenaire sera remplacée au pied levé par Toly Castors, fils aîné de Louis et de son épouse. Il perdurera jusqu'en 1957, année où le couple Moustier montera le fameux numéro du Grand Chef Castor et de sa troupe composée, outre Louis, son épouse et Toly, de ses deux autres frères Charly et Eddy, un numéro que le " Cirque Napoléon Rancy " présentera en 1956. Une dernière chose concernant le trio Dallys, un détail qui ajoute une note de charme supplémentaire à l'attraction, ses protagonistes étaient habillés en gitans.
Et voici l'article que j'avais, en octobre 2022, consacré au " Grand Chef Castor " qui fit les beaux jours du " Cirque Napoléon Rancy " en 1956, l'année du centenaire :
Pendant près d'un siècle, les deux fils de Charles De Dessus Le Moustier, auquel j'ai déjà consacré un article de ce blog, Louis et Emilien, ont pratiquement exercé toutes les disciplines du cirque, y compris le dressage et l'art clownesque. Mais, ce fut surtout dans le domaine de l'acrobatie au sol qu'ils se seront le plus illustrés. Leur histoire est évidemment intimement liée, puisque la soeur de Louis et Emilien, violette, avait épousé Firmin Bouglione senior, et qu'Emilien lui-même se maria à Odette, elle-même soeur d'Alexandre, Joseph, Sampion et donc Firmin. On vit donc fréquemment les Moustier sur les pistes " bouglioniennes " si je puis dire, où Louis rencontra, en 1936, Nona Bédini-Tafani, dont la famille était spécialiste dans les jeux icariens, avec laquelle il s'unit. Après la guerre, Nona et Louis, devenu le " Grand Chef Sioux ", montèrent ce fameux numéro d'antipodisme et d'icarisme des Castors, rejoints progressivement par leurs quatre enfants, Nora, qui épousera le célèbre auguste belge Toto Chabri, Tolly, par ailleurs excellent jongleur et caricaturiste, Enfin Charles et Edouard, alors qu'Emilien monta pour ses filles la fameuse attraction des Diors Sisters, équilibristes sur boules sur plan incliné. Quand Louis décida d'arrêter sa carrière en 1974, il deviendra professeur dans les deux écoles de cirque françaises alors tout juste créées, celles d'Annie Fratellini et d'Alexis Grüss. L'itinéraire des Moustier est fabuleux: après avoir débuté en palc sur les places et foires belges, puis avoir fait les beaux soirs des cirques " Bureau " et donc " Bouglione ", ainsi que des music-halls prestigieux tels le " Lido de Paris " ou l'" Olympia ", Louis Moustier termina sa carrière sous les feux des projecteurs de Las Vegas. " Napoléon Rancy " est aussi à placer dans leur C.V., et en bonne place d'ailleurs, puisque ce fut en 1956, l'année du centenaire. Le " Grand Chef Castor " et sa tribu paraissaient alors à la fin de la première partie du programme dans le tableau intitulé " Rose-Marie ". Dans son costume de sioux, il était majestueux, coiffé d'une plume d'aigle, peintures de guerre sur son visage de banquiste. Dans ce numéro, toutes les qualités artistiques des Moustier étaient présentes, mélange d'élégance, de soin dans les costumes, de technique et d'effets spectaculaires, de transmission de savoir-faire entre les générations. Louis Moustier quitta ce monde au plus grand regret de tous en juillet 2004....