Le funambule que l'on voit au début du film de Marcel Carné, " Les enfants du paradis ", c'est lui Germain Aéros, surnommé le " poivrot funambule ", le " pochard funambule ", le " pochard entêté ", ou encore le " funambule éméché ", en tout cas " l'un des plus étonnants numéros de cascadeur comique que j'ai connu en quarante ans de cirque", disait de lui Henry Thétard.
Germain Aéros n'était pourtant pas, comme bien d'autres artistes d'ailleurs, issu du monde de la Piste, puisque son premier métier était celui de forgeron d'art, et que c'est un jour, presque par hasard, qu'il est arrivé au cirque, comme trapéziste volant. Il intégra d'abord la troupe des Alex, avant de créer en 1910 le trio Aéros, au portique bas, trio au sein duquel il interprétait le rôle d'un personnage en état d'ébriété voulant grimper aux agrès. Toutefois, une assez grave blessure à la jambe contractée lors de la guerre de 1914-1918, l'empêcha de reprendre son numéro à l'issue de celle-ci. C'est alors qu'en avril 1919, il devint cascadeur comique au sol, avant de monter un numéro de funambulisme comique sur fil mou, avec lequel il est resté célèbre dans l'histoire du cirque.
Entrant en piste avec son nez rouge, hoquetant et titubant, bouteilles en poches, il tentait de gravir le fil, ponctuant ses essais malheureux de: " Ben, mon vieux ! Quelle aventure !". Une fois son but atteint, il y réalisait divers équilibres périlleux au bord de la chute, mais, bien sûr, sans jamais tomber une seule fois, effectuant notamment une gigue endiablée, véritable chef d'oeuvre de funambulisme à haut risque. Avec un tel talent, Germain Aéros ne pouvait qu'être engagé un jour ou l'autre chez " Rancy ", ce qui fut chose faite chez Napoléon une première fois en 1923, puis une seconde en 1927, la même saison que le trio clownesque Gustave, Max et Colombo, ou encore que les Willys, les rois du cycle classique. Il avait alors quarante six ans et était au summum de son art, lui qui, toujours en piste à la soixantaine, demeurait, dit-on, encore aussi souple et hardi que dans sa jeunesse. On le retrouvera chez André Rancy à Bordeaux, ville dont il était d'ailleurs originaire, en 1935, après avoir honoré un engagement chez " Jean Houcke " à Amiens trois années plus tôt. Bien d'autres pistes, mais aussi scènes nationales et internationales accueillirent Germain Aéros qui s'appelait, en réalité, Germain Louis. En France, on citera notamment le " Cirque Amar ". et l'" Olympia ". Et partout où il passait, il recueillait le même succès. Il faut dire que le talent était véritablement familial chez les Louis dont on peut retrouver des membres dans des troupes aussi fameuses que celles des Aleximes (Eugène Louis), des Parivols ou encore des Maxim's, excellant toutes dans le domaine du trapèze volant. Le talent de Germain Louis ne s'exprimait d'ailleurs pas que dans les airs ou sur le fil puisqu'entre deux contrats, l'artiste mettait à profit ses capacités de mécanique pout faire breveter quelques inventions. Une vie riche donc qu'il quitta en 1954.
Une chose est sûre aussi, Aéros fit bien des émules, puisque nombre de ses successeurs, tels Emilio Zavatta, Brian Andro, Walter Galletti, Celetti et quelques autres, se sont réclamés dignes de lui. Et bien entendu, toutes ses émules ont été applaudies tôt ou tard chez les " Rancy " !
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