La présentation de pigeons était la grande spécialité de la famille austro-belge Malter. Certains d'entre eux avaient même la particularité d'être colorés en bleu, vert ou rose. Outre Jeanine, l'épouse d'Harry Malter, on vit, en particulier, Irène Aspeslag, la femme d'Ulrich Malter du " Wiener Circus ", à la tête d'un numéro de ce genre. Mais, à ma connaissance, seule Jeanine Malter-De Baets fut aperçue chez les Rancy. Bien entendu, d'autres artistes présentèrent chez ces derniers une telle attraction. On se souvient notamment de Miss Véra, la mère du jongleur Roberty junior, chez " Rancy-Carrington " en 1980, et puis, d'une façon plus lointaine, de Tilly Price bien sûr, la mère de Sabine pour qui les pigeons n'avaient plus de secrets. C'était aussi le cas de nombreux membres de la grande dynastie des Loyal pour qui ces numéros se transmettaient de génération en génération. Parmi eux, il y eût notamment Miss Woolford :
En 1923, sur la piste du cirque d'Alphonse Rancy, une jeune charmeuse de pigeons, vêtue d'un costume sportif de chasseresse, surgissait chaque jour sur la piste. Sur le " programme papier ", les spectateurs pouvaient lire son nom : " Miss Woolford "....
Les plus logiques d'entre eux, pour le peu qu'ils soient un peu connaisseurs du monde circassien, pensaient applaudir une artiste anglaise, descendant de la célèbre famille d'écuyers du même nom, et dont était issue une certaine Louisa qui un jour, épousa en secondes noces le fameux Andrew Ducrow, avec lequel elle effectuait autrefois un pas-de-deux équestre. Bien entendu, en 1923, il ne pouvait s'agir de Louisa, puisque la présence en piste de cette dernière remontait à près d'un siècle plus tôt.
Les plus perspicaces des spectateurs n'avaient pas été sans remarquer qu'associer des pigeons, grande spécialité des Loyal, à une chasseresse, dont la plus célèbre d'entre elles se prénommait Diane, n'est peut-être pas tout à fait fortuite. Ils évoquèrent alors l'hypothèse que Miss Woolford aurait pu être une demoiselle Loyal, et à fortiori, se prénommant Diane. Ils en vinrent même à regretter le pseudonyme de Woolford qu'aurait alors pris la dresseuse.
Ces spectateurs avaient en réalité tous les deux raison, car, généalogie à l'appui, Miss Woolford était bien une Loyal qui connaissait un grand succès en Angleterre, puisque, se prénommant Emilie, elle était la fille de Georges Loyal, et donc la petite-fille d'Arsène Loyal et de Rebecca Woolford, et avait ainsi pris pour la circonstance le nom de famille de sa grand-mère. Sous d'autres chapiteaux, elle mettra un peu plus tard tout le monde d'accord en s'appelant cette fois Miss Loyal-Woolford ! Malheureusement, en mai 1926, Miss Woolford, atteinte d'un mal incurable, quitta ce monde. Mais, la loi du cirque voulut que ce numéro continuât. Autrement dit, si dans quelques programmes de France et de l'étranger, on retrouva après 1926, la mention " Miss Woolford et ses pigeons ", telle une appellation contrôlée, il s'agissait alors, la plupart du temps, d'un autre membre de la grande famille Loyal et non de la vraie Miss Woolford. C'est ainsi qu'en 1927, chez Alphonse Rancy et la même année, chez " Jean Houcke " à Amiens, Madame Lucien Loyal prendra ce nom.
On verra, en revanche, dans un " Cirque Rancy ", une vraie Diane (Loyal) chasseresse. Elle était la nièce d'Emilie Loyal, et donc la fille d'Emile, la petite fille de Georges et l'arrière-petite-fille d'Arsène. On la vit tout d'abord en 1927 et 1928, chez Alphonse Rancy où, après s'être fait appelée un temps Miss Woolford, Diane reprit son nom pour présenter cinquante pigeons, puis en 1943 au Grand-Palais, ainsi que chez " Jean Houcke " à Amiens l'année précédente....
Mais, au temps des Rancy, et cela reste d'ailleurs vrai de nos jours, tous les pigeons du cirque ne furent pas forcément dressés. On en vit aussi simplement figurer dans des pantomimes et scènes diverses, comme, par exemple, la " Chasse au Renard " de Georges Loyal.
Et, bien entendu, pigeons et colombes ont aussi fait les beaux jours des numéros d'illusions " rancyniens ". Malika and Mill's ou encore Jean Madd en sont deux exemples parmi d'autres, en ce qui concerne les Rancy. Il y eût aussi Claude Germinal, alias Claudy Renotte au " Carrington Circus "
Bien sûr, tous les oiseaux, dressés ou non, n'étaient pas uniquement des pigeons. Parfois même, dans certains numéros, ces autres oiseaux n'étaient pas les seuls animaux présentés. On pourrait encore ajouter que tous les oiseaux n'étaient d'ailleurs parfois pas de vrais oiseaux. Des hommes, en effet, ont pu imiter leurs cris et chants jusqu'au jour où eux-mêmes se sont pris pour oiseaux, ou, à défaut, ont tout simplement porté des noms d'oiseaux....