Si l'on classait les numéros de trapéze volant, comme je le suggérais la semaine dernière, en fonction de l'école dont ils proviennent, des exercices qu'ils réalisent, du nombre de protagonistes de la troupe, de l'existence ou non d'éléments féminins et en quelles proportions, ou encore, et surtout, faudrait il dire, selon qu'ils exercent le " bâton-bâton "ou le " trapèze au porteur ", voilà ce que l'on pourrait dire des Alex, célèbre troupe de trapézistes de la fin du 19ème siècle :
Les Alex, de leur vrai nom Ducouray, ont été, pour ainsi dire, élevés sur le trapèze puisque leur père tenait au célèbre " Point du Jour " un gymnase fréquente à la belle saison par les amateurs de gymnastique aux agrès. Parmi les figures les plus spectaculaires de leur répertoire, on citera le casse-cou en arrière, le sursaut du ventre croisé dans l'espace avec le casse-cou, la double pirouette, le double saut périlleux de trapèze à trapèze, exercice quasiment inconnu avant eux et que l'on disait alors impossible. En résumé, ils étaient de merveilleux artistes, trois hommes, ayant fait réaliser beaucoup de progrès à l'art de la voltige aérienne, commençant leur numéro avec beaucoup de passes par lesquelles leurs prédécesseurs eussent été fiers de pouvoir le terminer. Athlètes complets, les Alex avaient, dit-on, une agilité de chat.
Pourquoi évoquer ici les Alex alors qu'ils ont, à priori été l'une des seules grandes troupes de " volants " à n'avoir jamais figuré dans un programme " rancynien " ? Eh bien, tout simplement parce que plusieurs de leurs membres ont eu l'occasion de se produire chez les Rancy, mais au sein d'autres troupes fameuses. Celle des Jooë, par exemple, vue à plusieurs reprises au " Cirque Rancy ", troupe dans laquelle figuraient Alex Ducouray en personne, mais aussi Raoul Monbar et encore un certain Loret. Et puis, il y eût encore les Aleximes :
Lorsque les Aleximes se produisirent en 1920, 1921 et 1923 au " Cirque Rancy ", tout comme au " Cirque Albert Rancy " en 1922, ils formaient un trio, sorte de " filiale " des célèbres trapézistes volants Alex. Deux d'entre eux, en effet, Eugène Louis, dit " Alexime ", ancien homme obus connu sous le nom de Zula, et sa femme Victoria, étaient issus de cette célèbre troupe qui compta jusqu'à dix membres en son sein, pratiquement tous issus de cette fameuse école parisienne du " Point du Jour " qui forma tant de " volants " de renommée internationale. En compagnie d'un partenaire, les Aleximes étaient alors des " rois du trapèze ", particulièrement novateurs en leur domaine, créant notamment ce personnage d'élégance comique, à savoir l'amoureux de la trapéziste voltigeant avec elle pour le flirt, véritable marivaudage aimable et périlleux du monsieur en habit et de la dame en maillot. Le trio proposait ainsi un numéro mi-sérieux, mi-comique, de voltige de trapèze à trapèze, sans porteur.
Novateurs, les Aleximes, disloqués en 1926 au " Zoo Circus ", le seront encore, et ce sera une nouvelle fois chez " Rancy " sous la direction de Napoléon en cette même année, lorsque Miss Alexime devint le projectile tout trouvé quand le chef de la troupe voulut " tâter " du canon. De ce fait, la troupe se disloqua au " Zoo Circus ", et l'ex gracieuse trapéziste échangea alors le collant contre un autre uniforme. Ainsi transformée, Miss Alexime parmi l'éclat, la fumée et le monstre de bronze, était rejetée de l'énorme trou pour aller rebondir à une quinzaine de mètres dans un filet. Cette dernière aura l'occasion, quelques années plus tard, de " regoûter " du trapèze, mais cette fois ce ne sera pas chez " Rancy ", enfin pas tout à fait - vous comprendrez bientôt pourquoi cette remarque - reconstituant avec quatre autres partenaires, et sous l'oeil toujours vigilant de son mari, une troupe exclusivement féminine. Ultime nouveauté pour ce nom incontournable du monde aérien, un nom resté dans les annales du cirque, et aussi dans celles des Rancy....
Parmi les autres troupes de " volants " aperçues chez les Rancy et les Houcke, on ne peut passer sous silence celle des Algévols :
Ils étaient quatre, tous français. Il y avait Jacques, le créateur de la troupe, un ancien coiffeur d'Alger, puis Marcel, le deuxième voltigeur, Fernand, le porteur, et Jean, placé sur un trapèze fixe placé sous la coupole et qui exécutait un très joli pot-pourri, panaché de barre fixe, de trapèze et d'anneaux. Ces deux derniers avaient succédé à Alfred, un ancien des Paris, et à Maurice Delagrange. On les surnommait les " rois du trapèze volant ", certainement les meilleurs trapézistes depuis la dissolution des Rixford dont Jacques avait d'ailleurs fait partie durant près de quinze ans. Au final, l'un d'eux - une innovation pour l'époque - voltigeait les yeux bandés. Ils s'appelaient les Algévols, grandes vedettes de leur discipline, dont le travail se recommandait par son " fini ". Le public subissait le prestige de ces acrobates sans songer à analyser son plaisir. Il admirait le balancement allongé des trapèzes parmi la lumière des lustres, la grâce des élans, la légèreté des passes, et enfin, la hardiesse traditionnelle des chutes dans le filet qui terminait le numéro. Les Algévols pratiquaient la voltige au porteur. Entendez par là que le voltigeur, au lieu de rattraper directement la barre du second agrès, saisissait les mains du porteur suspendu au trapèze. Outre le simple et demi, puis le double saut périlleux effectué les yeux bandés et la tête dans un sac, ils réussissaient l'échappement en triple saut, le voltigeur se faisant rattraper par les jambes lors du troisième saut. En tout cas, leur audace, leur adresse, leur sûreté et leur force faisaient oublier une certaine raideur dans les mouvements qui leur était parfois reprochée, et provoquaient l'admiration de tous.
Pour trouver trace de leur nom chez " Rancy ", il faut se reporter aux années 1929, 1934 et 1944. Ils se produisaient alors respectivement chez Napoléon, André et chez Albert au Grand-Palais. En ce dernier lieu, ils se produisirent à six, exécutant alors le quadrille aérien. On put également apprécier les Algévols au " Cirque Jean Houcke " à Amiens en 1930,1935 et 1937 où ils se produisaient alors respectivement à quatre, cinq, dont une femme, et six.
Les troupes Aleximes et les Algévols furent donc un jour réunies. C'était en 1937 au " Cirque Bureau " lequel, à Lyon, prenait parfois le nom de " Rancy ".....