Poperinge, Ypres, Courtrai, Gand, Bruxelles.... La plupart des villes belges, qu'elles soient flamandes ou wallonnes, ont, un jour ou l'autre, reçu la visite de cirques itinérants, des établissements du Bénélux bien sûr, mais également issus de pays frontaliers, comme la France bien entendu, ou l'Allemagne, mais pouvant aussi venir d'autres continents, à l'instar du Canada et de son " Cirque du Soleil ". Pour en revenir aux cirques belges, ceux-ci étaient, pour l'essentiel, dirigés par de grands noms du cirque d'outre-Quiévrain. Parmi eux, figurent les Babusio, les Demeyer, les Demuynck, les Libot, les Pauwels, les Saratos, les Semay, les Simon, les Tondeurs, etc..., auxquels il faut ajouter quelques patronymes tels Van Lissum (" Cirque Johny ", et bien sûr Carrington. Il y a deux noms sur lesquels je voudrais insister davantage, ceux de de De Jonghe et de Malter. Le premier, je l'avais déjà évoqué voici quelques années :
Si l'on vous dit banque belge ou encore Gaby et chiens, je suis certain qu'immédiatement c'est le nom de De Jonghe qui vous vient à l'esprit.
Banque belge, car la famille circassienne De Jonghe est effectivement de pure origine flamande. C'est Alphonse qui, en 1885, créa le cirque itinérant qui porta son nom, tandis que son fils Joseph poursuivit l'aventure à partir de 1935. L'établissement, outre la Belgique et sous diverses appellations, parcourut alors l'Europe entière, tout particulièrement le Royaume-Uni, et même le Congo, qui fut il est vrai longtemps de souveraineté belge.
Gaby, c'est le diminutif de Gabriella, cinquième enfant de Joseph et Anna Van der Biest, née en 1927 à Arlon, qui, entre deux tournées dans des établissements étrangers, pérennisa la direction du cirque après son père, en compagnie de quatre, puis deux de ses frères, Victor et César, clowns mondialement réputés, et ce jusqu'en 1963, année où le chapiteau fut absorbé par une certaine concurrence étrangère et une gestion devenue trop coûteuse.
Chiens enfin, parce que ce fut sans doute avec son " Show Dogs " que Gabriella se fit un nom, et surtout un prénom dans le milieu circassien, effectuant alors, déguisée en auguste, la présentation la plus variée qu'il fut pour l'époque, de races canines. Jugez en plutôt.... des Saint-Bernard, des spitz, des griffons, des papillons, des maltais, des shipperke, des fox-terriers, des dalmatiens, des lévriers, des pinshers, un afghan et bien entendu des caniches, tous réunis dans la même attraction. Mais Gaby ne dressa pas que des chiens au cours de sa carrière. Comme beaucoup d'artistes de cirque, elle fut polyvalente. Elle fut acrobate et trapéziste, mais commença, il ne pouvait en être autrement, comme écuyère. Ballerine à cheval, voltigeuse équestre, la présentation en liberté... L'équitation de cirque n'avait plus vraiment de secrets pour elle qui se produisit un peu partout en Europe, notamment avec ses chiens. L'Allemagne chez Carl Hagenbeck où elle rencontra en 1949 son mari, Boris Sobolewski de la troupe de voltige équestre du même nom, l'Angleterre avec le " Great Yarmouth " en 1967, la France où on la vit chez " Pinder " en 1950 et 1951, et puis évidemment chez " Rancy " à plusieurs reprises, en 1956, prestigieuse année du Centenaire, en 1965 chez " Napoléon Rancy " à Amiens, en 1968 dans le même établissement à Rouen, et quelques semaines plus tard au" Cirque Royal " de Bruxelles où le " Cirque Sabine Rancy " passa les fêtes de fin d'année, et pour la dernière fois, toujours chez Sabine en 1969, où elle participa aussi à la pantomime " Tarass Boulba ".
Gabriella, décédée en septembre 2012 après avoir terminé sa carrière comme toiletteuse de chiens, ne fut pas la seule De Jonghe à suivre un " Cirque Rancy ", puisque sa nièce Patricia, fille de Victor, et épouse de Bruno Stutz, le " blanc " des Chickys, suivit son mari, dans l'ombre, au " Cirque Napoléon Rancy " en 1964 au " Boulingrin " rouennais. Quant à Octave, on le vit avec des chiens en 1952 chez " Napoléon Rancy ".
Avec les De jonghe, c'est encore un grand nom de plus qu'il convient d'ajouter à la liste de tous ces patronymes circassiens célèbres qui ont un jour pris une part active à la saga des Rancy....
Quant au second, d'origine autrichienne, on rappellera qu'il fut importé en Belgique par Gottfried Malter, lequel avait épousé Anna Promoli, qui lui donna huit enfants dont les trois plus connus dans le milieu du cirque, sont Rose-Marie, Ulrich et Harry. A l'origine, le couple promenait à travers l'Allemagne un cirque itinérant montrant des animaux dont un python de trois mètres. Un jour, lors d'une visite avec ce dernier dans un café berlinois, Gottfried Malter critiqua le Fürher et fut dénoncé. Emprisonné par les " SS " à la prison de Spandau, il fut torturé. Dans le même temps, son établissement fut confisqué. Il fut relâché grâce au plaidoyer de son épouse prouvant que bien qu'autrichien, il avait des origines allemandes. Il trouva alors des petits boulots ici ou là, et fut finalement nommé directeur du zoo de Schweinfurt. Mais, en 1944, sous le feu des bombardements, une grande partie des enceintes du zoo fut détruite, et les animaux risquaient de s'échapper à tout instant. Aussi, l'armée allemande envoya quelques-uns de ses soldats afin d'abattre les animaux. Les Malter reprirent alors la route avec deux charrettes, quelques chameaux et des kangourous rescapés. Ils donnèrent ainsi de petits spectacles dans le pays et tout particulièrement dans la vallée de la Ruhr. Après avoir traversé l'Allemagne, la famille Malter se fixa donc en Belgique en 1954, et plus spécifiquement à Gand. Se fixer est d'ailleurs un bien grand mot pour un circassien dont l'attrait pour l'itinérance est bien connu. Les Malter travaillèrent, à l'origine, pour les Libot-Simon, le " Brodway Circus " aussi, ainsi que les Semay, avant de créer en 1960, leur propre établissement intitulé le " Tiroler Circus ", nom qui rappelait bien entendu leurs origines. Celui-ci circula jusqu'en 1965, avant que trois de leurs enfants ne reprennent le flambeau familial chacun de leur côté.
Deux noms donc, mais quatre cirques et leurs liens avec les Rancy, mais aussi les Carrington, c'est le programme que je vous propose pour la semaine prochaine....
Merci à Michel Tibo pour les renseignements sur la famille Malter.