A comme A.B.C. : un music-hall quelque peu oublié (12 septembre 2024)

Elle est l'une des salles de music-hall parisiens aujourd'hui disparue, sans doute aussi célèbre en son temps que l'" Alhambra " ou l'" Olympia " qui furent d'ailleurs ses concurrentes directes. L'" A.B.C. ", qui était située au numéro 11 du boulevard Poissonnière, eût tout juste trente ans d'existence. Créée en 1934 sur le site de l'ancien théâtre " Plaza ", elle ferma en effet ses portes en 1964. C'est un certain Mitty Goldin qui effectua la transformation du théâtre en music-hall et choisit de l'appeler ainsi " pour être en tête des programmes parisiens " selon ses propres dires. L'établissement connut dès son ouverture un succès foudroyant. il fauit dire que les artistes s'y produisant furent prestigieux, souvent les plus célèbres de leur temps. Marie Dubas, Arletty, Fréhel, Georgius, Edith Piaf qui y gagna sa réputation d'icône, Charles Trénét, Jean sablon sont quelques-uns des noms quue l'on vit sur la scène de l'" A.B.C. " avant la seconde guerre mondiale. Tino Rossi, Léo Marjane, Ray Ventura, Jean Tranchant, les Compagnons de la Chanson, Renée Lebas, Patachou, Georges Ulmer, les Frères Jacques figuret parmi ceux qui y furent applaudis sous l'Occupation et après le conflit. A partir de 1950, lorsque Goldin s'associa à Léon Ledoux, le music-hall fut plutôt remplacé par de opérettes. L'une des plus célèbres du genre à avoir été jouée à l'" A.B.C. " fut " La Route Fleurie " de Francis Lopez avec Bourvil et Georges Guétary. A la fin des années 50, tandis que le music-hall traversa une crise, Ledoux qui resta le seul diirecteur de l'établissement, effectua un retour à la variété en programmant des chanteurs en vogue, comme en 1962 les Chats Sauvages qui tirent un mois en vedette américaine. Amalia Rodrigues y fit un triomphe la même année, avant que Juliette Gréco ne lui emboîte le pas. Léo Ferré se produisit sur la scène de l'" A.B.C. " de décembre 1962 à janvier 1963, peu avant que la salle ne ferme définitivement pour être transformée en cinéma puis, de nos jours, en magasin d'articles de puériculture. Je n'ai pas évoqué le cirque sur la scène de ce music-hall parisien. il est vrai qu'il y fut très peu représenté. et pourtant un Rancy y travailla, mais dans l'ombre. Ce membre de la grande dynastie circassienne française se prénommait Jacques. Ainsi qu'il le raconte lui-même dans son livre " La Magie du Cirque ", paru chez " Gründ " en 1994, le fils d'Albert et de Nelly Béchet exerça d'abord à  " la fonction de contrôleur à l'" A.B.C. ". Nous étions alors sous l'Occupation. Il se trouve que le directeur artistique du music-hall fut un certain Recordier du tandem clownesque Recordier et Boulicot. lorsque celui-ci apprit qu'un Rancy était au contrôle, il le fit immédiatement changer d'affectation le faisant venir à ses côtés dans la programmation de l'établissement. C'est lui qui, notamment, fit auditionner, mais aussi récuser un jour un certain Bourvil, heureusement temporairement. Parmi les vedettes qui " passèrent " à l'" A.B.C. " au temps de Recordier et Rancy, il y eût Léo Marjane et Edith Piaf. On y ajoutera Noël-Noël, Eva Busch, Mona Goya ou encore un certain Paul Meurisse, alors compagnon de Piaf. Jacques Rancy, qui, en 1941, s'occupait en plus de montrer les dossiers à la censure allemande, eût un jour à étudier celui du tour de chant d'Edith Piaf auquel il émit un avis favorable. Le soir de la première, lorsque la chanteuse entonna " Le Fanion de la Légion ", des cris de " Vive la France ! ", " Vive la Légion ! ", Vive De Gaulle ! ". inutile de dire que la police intervint et fit éclairer la salle et que cet événement, auquel il fallait ajouter quelques faits du même type, allaient précipiter la fin de la carrière de Jacques Rancy au music-hall....