Un programme du " Music-hall Gallici-Rancy " comprenait en moyenne quatorze attractions. J'en ai déjà évoqué beaucoup, mais il en est une dont je n'ai jamais encore parlé et qui terminait pourtant chaque spectacle de l'établissement à partir de 1903, mais qui pouvait aussi être présentée indépendamment de celui-ci : le cinéma. Eh oui ! Connaissiez vous le " Gallici Cinéma " ? Il s'agissait de la projection de vues cinématographiques encore dénommées " Living Pictures " :
Dès 1903, Henri Gallici présenta dans le music-hall portant son nom associé à celui de " Rancy " avec lequel il était uni maritalement, des " Living Pictures ", autrement dit en français des " images vivantes ". Cette dénomination évoque d'emblée un lien avec le cinéma, si cher aux Rancy, à ceci près que rien ne permet d'affirmer aujourd'hui qu'il s'agissait bien de vues cinématographiques. Tout le laisse toutefois penser lorsque l'on sait que ce théâtre était équipé dès 1902, d'un cinématographe, et que Monsieur Gallici avait, à cet égard, passé un contrat avec la Société " Omnia ", alors seule concessionnaire du " Cinématographe Pathé Frères ".
Si les " Living Pictures " s'avèrent donc, avec une très forte probabilité, avoir été projetées sur un écran, reste à savoir si le public pouvait les visualiser pendant ou en dehors du spectacle du fameux théâtre. A la fin de chaque spectacle, c'est sûr comme en témoignent de nombreux articles de presse, mais au vu d'un autre autre article de presse datant de 1907 et annonçant que le " Music-Hall Gallici-Rancy " donnait tous les jours à 15 heures 30, une séance cinématographique, il semble bien que ce sont les deux hypothèses qui méritent d'être retenues, le couple Gallici-Rancy....
Sabine et Henri Gallici ne furent pas les seuls membres de la dynastie Rancy à présenter des projections cinématographiques sur grand écran. On en vit aussi dans les spectacles des cirques " Rancy " au temps d'Alphonse et de Napoléon surtout lorsque ceux-ci travaillaient ensemble, mais également, à un moindre degré, chez Alphonse seul. J'ai déjà évoqué ici un certain nombre d'entre elles comme celles, par exemple, du " Cosmograph Faraud " :
Je vous emmène aujourd'hui au cinéma, mais pas n'importe quel cinéma, celui de la Belle Epoque, celui qui présentait des " vues ", celui qui était encore muet, celui qui était itinérant, celui qui se produisait aussi parfois sur les pistes de cirque, quand ce n'était pas les circassiens eux-mêmes qui avaient délaissé leurs chapiteaux pour exploiter leur propre " cinématographe ". J'ai déjà évoqué ici le " Royal Vio ", le " Cinématographe Pathé " et puis aussi le " Phono-Cinéma-Théâtre " de Napoléon Rancy. En 1900, Alphonse Rancy invita sur sa piste lyonnaise le " Cosmographe Faraud ". Il s'agissait d'un établissement habituellement ambulant dirigé par Monsieur Faraud, un marseillais, et qui annonçait sur sa façade " avec imitation de bruit ". Au cirque, c'était généralement l'orchestre qui acceptait de bruiter une partie des éléments vus dans les films, en plus de produire l'accompagnement musical. J'ai bien dit " une partie ", car certains bruits ne pouvaient être fournis que par des accessoires apportés par Faraud et son équipe. " A t'on vu sous les yeux un défilé militaire, aussitôt l'orchestre faisait entendre une fière marche guerrière..., vit-on un combat, la batterie devint.... batterie d'artillerie et les accessoires fonctionnent fort à propos. En même qu'une personne sonnait une cloche, on entendait un son; tout était imité, depuis le galop d'un cheval jusqu'au bruit de trottoir roulant. Et voyez ce qu'il fallait créer, ce qu'il fallait déployer d'ingéniosité quand c'était le Cosmographe Faraud qui opérait. Chaque soir, changement, vues nouvelles et inédites à chaque représentation....". Voilà ce que disait la presse de l'époque à propos de cet établissement aujourd'hui quelque peu oublié et qu'il m'a paru intéressant de remettre à l'honneur par le biais de cet article....
Il y en eût évidemment bien d'autres comme le " Royal Vitograph ", l' Edison Wargraph " et, bien entendu, le " Cinématographe Lumière ", les Frères Lumière, lyonnais comme les Rancy, auxquels ils consacrèrent d'ailleurs quelques films comme en témoignent les documents ci-dessous :
Alphonse Rancy
les Cianchi
Quand Napoléon, justement, toujours à la pointe des innovations techniques, quitta son frère au début des années 1900, pour se consacrer à diverses exploitations foraines, le cinéma garda toujours une bonne place parmi celles-ci. On se souvient du " Phono-Cinéma-théâtre " ambulant ou encore du " Cinématographe de Venise " créé en 1906.
Parfois aussi, dans les différents établissements fixes de la famille Rancy, tels ceux de Lyon ou Boulogne sur Mer, tandis que ces derniers offraient leurs spectacles circassiens en d'autres lieux, le public pouvait assister à des projections effectuées par diverses compagnies. " Pathé ", " Omnia ", " Américan Sun ", " Royal Vio ", " Royal View ", " Royal Spectacles " en étaient quelques unes. Dans certains cas d'ailleurs, le cinéma remplaça le cirque qui avait quitté définitivement les lieux, comme ce fut le cas à l'" Appolo-Théâtre " de Genève (ex " Cirque Rancy ") entre 1904 et 1910 :
Napoléon Rancy fut aussi, un temps, directeur de cinéma fixe. Il fut, dit on, le premier à avoir créé une salle dans la ville de Toulouse. Plus tard, en 1937, son fils Henry et son épouse Tilly, lorsqu'ils interrompirent très temporairement leur carrière circassienne, reprendront et dirigeront en compagnie d'un Palmer, probablement Gaston, un cinéma situé sur la Place Jean Bart de Dunkerque, le " Royal Cinéma ", lequel sera entièrement détruit par les bombardements de 1940, ce qui mettre fin à leur carrière d'exploitants de salles obscures.
Alphonse, Napoléon, Henry et son épouse.... Il ne faut pas oublier André, Albert et son fils Jacques parmi les " Rancy du Cinéma ". Si tous les trois furent des acteurs, certes de second plan, de quelques plus ou moins longs métrages, les deux premiers réglèrent nombre de scènes équestres pour le cinéma au point de monter un jour, entre deux activités circassiennes, des sociétés répondant au nom de " Cavaliers de l'Ecran " et " Aventures Filmées ", sociétés destinées à former des acteurs à l'équitation. Jacques créa également sa propre société de production, tout simplement intitulée " Les Productions J. Rancy ". Quelques courts et moyens métrages en sortirent.
Comme on vient de le voir, nombreux sont les membres de la grande famille Rancy à avoir " goûté " au cinéma. Alphonse, Napoléon, Henry, André, Albert, Jacques auxquels on pourrait d'ailleurs encore ajouter Sarah Caryth, l'épouse d'André, qui fit valoir ses talents de dompteuse à plusieurs reprises pour les besoins du grand écran. Seuls Théodore et Sabine n'auront jamais fait partie des " Rancy du Cinéma ". En ce qui concerne le premier, c'est un peu normal car le 7ème art n'existait pas ou n'en était qu'à ses tous premiers balbutiements, mais sa vie si riche aurait pu, plus tard, être elle-même l'objet d'un film, tout comme aurait pu l'être également la saga, à la fois brève et tragique , du " Cirque Sabine Rancy ".
Par, avec, chez et pour les Rancy.... Voilà les quatre prépositions qui vont nous accompagner au cours de la semaine entièrement cinématographique qui s'annonce....