Il y a dans l'histoire du cirque des noms merveilleux, des noms qui sortent de l'ordinaire et qui pourtant sont de nos jours quelque peu oubliés. Celui de Salamonsky, issu d'une famille banquiste dont on trouve les premiers ancêtres au 18ème siècle, en fait partie. Les Salamonsky étaient des saltimbanques d'origine juive comme bon nombre de gens du voyage de l'époque, à l'image des Renz. Wilhelm Salamonsky, qui fut d'ailleurs un élève de Ernest Renz, était un fameux écuyer réputé notamment pour sa " chevauchée sur les reins ", exercice que pratiquent les voltigeurs " à la tcherkesse ". Son fils Albert, né en 1839, dépassa de loin la renommée paternelle. Il était un artiste universel, écuyer d'école bien sûr, dresseur en liberté, mais aussi sauteur au tapis et à la batoude, et excellent mime et comédien. Comme sauteur, il fut notamment l'inventeur du saut périlleux dit " en boule ", et comme écuyer, sa double haute école avec Lina Schwartz, la belle amazone qui deviendra son épouse en 1868, restera un modèle d'élégance et de science équestre. Albert Salamonsky créa son propre cirque en 1873 et fut, dès lors, avec Oscar Carré qui épousera d'ailleurs Amélie, sa soeur, le plus redoutable rival de son ex-mentor Renz jusqu'en 1879, année où il s'en fuit avec son établissement en Russie, pays devenu, sur le point de vue du cirque, le fief de Gaetano Ciniselli. Salamonsky n'hésita pas à " tirer la bourre " au vieux Ciniselli et à ses fils qui succédèrent à leur père en 1881. Finalement, il devint le directeur du cirque stable de Moscou qu'il fit construire et où il mourut en 1913, laissant une réputation du plus original de ces grands directeurs de jadis qui régnaient sur leur compagnie comme des potentats orientaux.
Artiste
Albert Salamonsky eût de nombreux élèves dont deux auxquels il autorisa - ce qui était chose courant à l'époque - à porter son nom. Parmi ceux-ci, un certain Eugène Narder, lequel nous ramène aux Rancy. Narder Salamonsky, grand spécialiste de haute-école, inventeur d'un pot-pourri et d'une danse serpentine équestres d'une grande originalité, fut engagé en 1902 par Alphonse Rancy dans son établissement de Genève.
Numéro
Sur la piste tendue de noir, apparaissait le " chevalier blanc ", tout de blanc vêtu, montant un magnifique pur-sang blanc lui aussi, que l'on disait don du tsar, lui aussi harnaché de blanc. Et soudain, trouant l'obscurité de la salle, jaillissaient des galeries supérieures les feux de projecteurs électriques. Le cheval était admirablement dressé et l'écuyer montait d'une façon remarquable. Ils n'en faisaient plus qu'un.... A la moindre pression, la bête obéissait, évoluant docilement dans les figures les plus savantes, exécutant les exercices les plus variés de haute-école. Elle accompagnait l'orchestre sur une grosse caisse qu'elle frappait en cadence,présentait ses jambes de devant auxquelles des cerceaux avaient été fixés, à un chien russe qui franchissait les cercles et enfin, sur un tréteau qui tournait lentement, Narder Salamonsky exécutait la danse serpentine sur son pur-sang immobile comme un bloc de marbre immaculé. L'effet était, disait on, saisissant.
Voilà en tout cas quel fut la contribution des Salamonsky à l'histoire des Rancy....
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