Le 6 mai dernier, il y a donc eu cent neuf ans que naquit Achille Zavatta. C'était à La Goulette, près de Tunis, d'une des plus vieilles familles de cirque connues, dont les origines se perdent dans la nuit des saltimbanques. Tout ce que l'on sait, c'est que les Zavatta ont toujours été des enfants de la balle. Comme les douze frères et soeurs d'Achille qui ont tous eu leurs heures de gloire dans les cirques du monde entier. A Paris, les plus connus furent Isolina, la trapéziste, ou la fil de ferriste Titine. Avec elle et son frère Rolf, Achille avait monté un numéro de jockeys. C'est d'ailleurs avec une troupe équestre, celle des Germain, qu'il se fit remarquer en 1934, au " Cirque Municipal de Limoges ". Un soir, le directeur, un certain André Rancy, lui demanda de remplacer au pied levé un clown défaillant. Ce fut une révélation, et c'est ainsi qu'il se retrouva en un rien de temps au " Cirque d'Hiver " de Paris où la gloire était à portée de main. Associé au clown blanc Alex, Zavatta fit pleurer de rire le " Tout-Paris " de l'Occupation. Il incarnait le cirque à lui tout seul, de par sa polyvalence. Auguste, jongleur, trompettiste, acrobate à cheval, dompteur, trapéziste, et même directeur de troupe, bref, il savait tout faire. C'est la " Piste aux Etoiles " de Gilles Margaritis qui devait en faire un monstre sacré, adulé des foules. Le producteur des premiers grands shows télévisés français avait su en faire sa vedette fétiche. Doté d'un remarquable don d'improvisation, il avait recréé une soirée de réveillon tellement irrésistible que des téléspectateurs avaient alors écrit à la direction pour se plaindre d'avoir frôlé l'étouffement. Puis, selon le système cher au petit écran, la " Piste aux Etoiles " fut jetée aux oubliettes pour excès de longévité, et le monde du cirque récupéra son idole. En 1973, Achille se remaria pour la troisième fois avec une jeune et blonde juriste, qui lui donna un fils. Du coup, il décida de créer son propre cirque à son nom. Et, découvrant que le métier de directeur était suffisamment absorbant pour un seul homme, il rangea progressivement son habit d'auguste dans un placard. C'était alors le " Cirque Zavatta " sans Zavatta, et aussi le début d'un lent déclin. D'autant que les enfants qu'il avait eus d'une première union, s'étaient mis en tête d'ouvrir leur propre établissement, également à l'enseigne " Zavatta ". Il y eût procès. Zavatta père gagna à moitié, mais il en conserva à jamais un inguérissable crève coeur. Pour le consoler, sa femme Annick tenta stoïquement de faire du trapèze, et son fils Franck devint jongleur. Mais rien n'y fit... Sa santé se mit à chanceler. Cela commença par une affection rénale qui lui valut de nombreuses séances de dialyse. Puis il perdit partiellement la vue, et une vilaine maladie de Parkinson vint se greffer sur tout cela. Achille avait malgré tout encore trouvé la force de monter un nouveau chapiteau de 1500 places. Une splendeur ! Il avait pourtant vu trop grand, et en 1992, il fallut tout vendre en catastrophe. Le plus célèbre et le plus riche des clowns était ruiné.... Basculant vers la dépression, il n'avait plus envie de rire, ni de faire rire, rejoignant alors la légende des clowns tristes. L'homme qui avait fait du rire une sorte de huitième art ne survivra pas à la débâcle de son chapiteau. Le 16 novembre 1993, il décéda. Au demeurant, il n'aura pas été surpris par la mort. Il lui donna même rendez-vous. A l'endroit et à l'heure qu'il avait choisis. Il se tira un coup de fusil au petit matin dans sa maison d'Ouzouer les Champs, près de Montargis dans le Loiret. Il avait soixante-dix-huit ans. Par le plus grand des hasards, le jour du décès d'Achille Zavatta, une statistique était publiée par le Ministère de la Culture, stipulant que le cirque en 1993 drainait plus de spectateurs que le cinéma, 12% pour le premier, 10 pour le second.
Curieusement, Achille Zavatta, dit-on, n'aimait pas beaucoup les autres clowns. Il affirmait, par exemple, avoir été le seul clown acrobate. Il oubliait simplement les Fratellini, Grock, Pipo, Rhum ou Buster Keaton. A Grock, à qui il vouait pourtant une sincère admiration, il lui reprochait de trop se préoccuper de sa publicité, alors qu'aucun autre artiste de cirque au monde ne fut sans doute autant gâté par la télévision et les médias qu'Achille Zavatta....
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