Les Omankowski sont évidemment les créateurs de la troupe de funambules " Les Diables Blancs " :
Visiblement, le nom de " Diables Blancs " a marqué les esprits et rappelle encore des tas de souvenirs aux plus purs des circophiles. Il rappelle sans doute aussi des souvenirs aux anciens toulousains qui ont encore en mémoire un certain mariage sur la Place du Capitole. Il rappelle encore des souvenirs aux téléspectateurs qui se souviennent de quelques " Pistes aux Etoiles " auxquelles cette troupe participa. Il rappelle évidemment des souvenirs aux élèves du " CNAC " qui eurent pour professeur un certain Rudy Omankowski Junior.
Omankowski.... Voilà, c'est le nom de la famille originaire de Prague qui créa et anima ce numéro de funambulisme à grande hauteur, famille composée à l'origine des parents, à savoir Rudy Senior et son épouse, de leurs enfants dont Rudy Junior, ainsi que l'épouse de ce dernier et de son beau-frère, Ernest Clennell. A l'origine, la troupe, sous le nom de Triska, du nom de l'épouse de Rudy Senior, faisait un spectacle sur le fil en Tchécoslovaquie. Un jour, un monsieur, un peu connaisseur, vit celui-ci et fut enthousiasmé. Quinze jours plus tard, il revint leur dire qu'il fallait aller jouer en Allemagne où elle connut un franc succès au point de devenir des vedettes. Nous étions en 1840. Après la guerre, c'était l'heure de rentrer en Tchécoslovaquie, libérée par les russes. L'exode, le retour dans la neige, etc... Ce fut plus dramatique qu'autre chose et les Triska-Omankowski décidèrent alors d'émigrer vers l'Europe de l'Ouest. D'abord à Marseille, où, considérés comme des réfugiés, ils n'eurent pas le droit de travailler tout de suite. Polyvalents, ils commencèrent par effectuer des petits spectacles de jonglerie, d'acrobaties aux anneaux, bref un peu de tout, juste de quoi manger en quelque sorte. A Draguignan, le jour de Noël, ce fut un médecin, appelé au chevet de Madame Omankowksi mère atteinte du typhus qu'elle avait contractée en Tchécoslovaquie, qui, voyant sur les murs des photos de la troupe de funambules jouant dans des stades remplis, qui alla à la préfecture demander une autorisation de travail. " Ce n'est pas possible, ce sont des artistes de haut niveau et sans travail ", insista le médecin auprès des fonctionnaires préfectoraux. Au bout de un mois, ceux qui deviendront les Diables Blancs, commencèrent à exercer leurs talents à grande hauteur dans tout le Var. Dès lors, reconnus des imprésarios internationaux, ils n'eurent point de problèmes à trouver des engagements. Londres, durant six à sept mois, puis Paris où ils furent les vedettes de " Médrano ". Les Diables Blancs allaient alors acquérir une grande renommée qui allait les emmener sous les plus grands chapiteaux du monde. Ils allaient aussi réaliser des exploits uniques un peu partout sur les cinq continents. Depuis les gorges de Cheddar en Angleterre au lac de Gérardmer, en passant par les tours du World Trade Center de New-York, la famille Omankowki a laissé des traces partout où elle passa. Elle en laissa donc à Rouen dans le vieux cirque du Boulingrin où, en 1967, elle fut engagée dans le second programme de " Napoléon Rancy ", un engagement bref mais suffisamment marquant pour que l'on évoque aujourd'hui non sans une certaine émotion....
Le " Diable Vert ", station de ski canadienne, est aussi la dénomination d'une pantomime " rancynienne " de 1891 :
Le mot " diable " se retrouve dans divers titres de presse écrite, tels " Le Diable Rouge ", de tableaux philosophiques et moraux, comme " Le Nouveau Diable Boiteux ", de romans, à l'instar du" Fils du Diable ", du " Diable aux Champs ", du " Diable à Paris ", le " L'Oeil du Diable "ou encore des " Mémoires du Diable ", de pièces de théâtre aussi, la plupart issues d'oeuvres littéraires, c'est le cas par exemple de " Robert le Diable ".
Au cirque, il a été utilisé pour quelques pantomimes, notamment " Le Diable et le Sultan ", elle-même tirée d'une autre pantomime intitulée " Le Diable Vert ", sans doute proche du " Monstre ", et dont il est difficile de déterminer s'il elle trouve son origine dans le théâtre, à moins que ce ne fut l'inverse.
En fouillant dans les archives, j'ai trouvé ce programme de 1896, qui m'a d'ailleurs donné l'idée de cet article, et dans lequel on pouvait trouver Mademoiselle Joséphine Plège, les Borghetti, les Ancillotti, Mademoiselle Rasalinda, l'"homme-grenouille ", et puis le fameux " Diable Vert ". Evidemment, il ne s'agissait pas d'un spectacle " Rancy ", quoi que cela aurait pu l'être vu la plupart des artistes présentés, mais plutôt d'un programme du " Cirque Plège ", vu notamment à Bayonne. Je m'empressais bien entendu de rechercher un équivalent chez " Rancy ", et découvris que ce dernier établissement eût lui aussi son propre " Diable Vert ", avec lumières électriques, feux de Bengale, corps de ballet, etc...., et ce, durant trois saisons consécutives, en 1889,1890 et 1891.
Reste une question.... D'où vient cette expression " Diable Vert " ? Il semblerait, selon Michel Pastoureau, qu'au Moyen-âge déjà, le vert passait pour maléfique, et était associée au diable. On évitait de l'afficher sur sol, d'où sa rareté dans les vêtements et les chaussures par exemple. Est-il besoin de rappeler ici que le vert a été de tout temps, et est encore, la couleur maudite des directeurs de théâtre et de cirque, et à fortiori de leurs acteurs et artistes respectifs. Ce ne fut toutefois pas le cas d'Alphonse Rancy qui n'hésita pas a mettre le " Diable Vert " à son programme, puisque celui-ci connut à chaque fois un succès retentissant....
Quant à George Gerschwin, il est bien entendu l'auteur de " Rhapsody in Blue " interprétée pour le final du spectacle du centenaire du " Cirque Napoléon Rancy " en 1956 :
George Gerschwin, de son vrai nom Jacob Gershowitz, est un compositeur et chef d'orchestre américain d'origine juive né en 1898 à Brooklyn. Créateur du jazz symphonique, il composa de multiples chansons dont les paroles furent écrites par son frère Israël, ainsi que des comédies musicales dont, en 1923, " The Rainbow " qu'il créera à Londres.
Oeuvre
" Rhapsody in Blue " est une autre des oeuvres de George Gerschwin, composée en 1924, et qui sera un véritable triomphe. C'est cette dernière qui permettra de voir figurer le nom de Gerschwin dans le programme 1956 du " Cirque Napoléon Rancy " puisque " Rhapsody in Blue " ne fut autre que le thème musical du final du spectacle de l'" année du centenaire "....
Avec les two Earls représentant le noir, les " Diables Blancs ", " Le Diable Vert " et " Rhapsody in Blue " ne sont évidemment pas les seules artistes, numéros, pantomimes ou oeuvres musicales à pouvoir être associées à ces trois couleurs respectives, qu'elles apparaissent sous leurs dénominations francophones ou anglo- saxonnes. Des plus sombres aux plus lumineuses, voici donc notre répertoire de couleurs.... " rancyniennes " bien sûr !