Quand on interrogeait Claude Victoria sur les grands noms du cirque français qui ont jalonné sa carrière d'artiste, puis de professeur, il cite volontiers ceux de Bouglione, de Fratellini ou encore de Grüss. Rancy n'y figure pas. Il faut dire que son séjour chez " Sabine Rancy " en 1977 ne s'est pas déroulé sous les meilleurs auspices, ayant même quitté prématurément la tournée. En effet, quand une forte tête rencontre une autre forte tête, les lendemains déchantent souvent. Mais, revenons à la carrière de cet " homme de bronze " qui présenta incontestablement l'un des plus beaux numéros de " statues vivantes " de l'histoire du cirque dans la lignée du numéro des inoubliables Athéna. Je cite Marcel Dhénin dans la " Voix du Nord " du mars 1977 : " Dans ce numéro, on ne sait s'il faut apprécier les performances athlétiques, la noblesse des attitudes ou la magnifique élégance des corps. C'est un régal esthétique, une pure émotion d'artistes. C'est sans doute le meilleur numéro actuel dit de main à main ". Et pourtant, la carrière de Claude Victoria n'était pas gagnée d'avance. Ayant eu une enfance difficile en raison d'un rachitisme, son médecin lui conseilla de faire de la gymnastique. Il s'inscrit alors au gymnase de Montreuil sous Bois où un jour, tandis que Claude avait seulement quinze ans, un certain Enzo Marcantoni pousse la porte. Ce dernier qui descendait d'une famille italienne de circassiens, plutôt spécialisé dans l'acrobatie, était à la recherche un partenaire. D'emblée, il repéra celui qui s'appelait encore Claude Leboëdec, destiné à être charcutier, et qu'il baptisera Victoria. Cette carrière a toutefois été favorisée par les conseils du père de Claude, fourreur de profession, qui l'avertit des déboires futurs de la profession avec l'arrivée du nylon. Et voilà donc notre charcutier devenu artiste, une vie malheureusement interrompue par la guerre d'Algérie dont il revint indemne à l'âge de vingt ans. De retour, il débute une carrière d'indépendant avec un premier contrat au " Concert Mayol ", un cabaret parisien qui présentait Raimu ou Maurice Chevalier. Puis, ce fut le Moyen Orient, avec le Liban, la Syrie, Israël, les tenanciers de music-hall payant bien l'artiste qui en profita de construire sa légende en montant ce numéro d'" art et force " sur le thème des " Jeux Olympiques " que seuls une quinzaine d'artistes au monde réalisaient alors. Tour à tour trio sous le nom de Victoria, puis quatuor sous celui de Vicky's (son épouse Vicky et ses deux fils), vus, entre autres, au " Cirque Bonjour ") avant de revenir à une carrière en solo, essentiellement dans des cabarets, Claude Victoria, à sa période de grande forme, pesait 63 kgs pour 1,63 mètre. Outre les indispensables qualités physiques, c'était là le secret de la réussite de son numéro, un secret qu'il enseignera " à la dure " dans les diverses écoles de cirque le moment venu, à savoir celles d'Alexis Grüss, d'Annie Fratellini et, enfin, de Chalons en Champagne jusqu'à l'heure de la retraite dans un petit village des Vosges où il prodiguera encore ses conseils ponctuellement, là où on l'appellera ou même à son domicile où il organisera des stages longs, car si le corps ne suivait plus, il avait encore le tête bien sur les épaules et n'avait, dit on, pas son pareil pour repérer à son tour, comme Marcantoni le fit pour lui, les futurs talents qui allaient éclore. C'était en quelque sorte l'équilibre de sa vie. Claude Victoria décédera en janvier 2019 à l'âge de 85 ans....
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