Une première façon de classer les les numéros de perche aérienne peut s'effectuer en fonction du sexe de leurs protagonistes. Il y eût ainsi des duos hommes femme, frère et soeur, comme ce fut le cas pour les Allarion, ou époux et épouse en ce qui concerne les Amédéo, de rares duos de deux hommes à l'image du numéro, il et vrai un peu particulier, des Dominici, ou de deux femmes comme ce fut le cas pour les Kurtis Sisters. C'est ce que j'avais choisi de faire avec les documents publiés hier. Je reviendrai ici sur les premiers d'entre eux, les Allarion :
Rien ne prédestinait Catherine et René Breton à devenir un jour artistes de cirque. Leur père travaillait dans une entreprise de peinture. Rien à voir donc avec le cirque. Un jour, tandis qu'elle revenait d'une tournée avec le " Cirque Pinder " où elle avait été engagée comme danseuse, Catherine annonça à son frère: " René, on va monter tous les deux un numéro de trapèze ". Ce dernier lui répondit aussitôt: " Tu est folle. J'ai déjà peur de grimper sur une chaise ! ". Pourtant, après quelques semaines, on les retrouva en train de s'entraîner dans un gymnase à proximité du " Cirque d'Hiver ", un établissement tenu par un certain Monsieur Bono, un ancien des Tonnellys. Le maître était en train de leur apprendre les rudiments de l'acrobatie aérienne, avant de tomber malade et de devoir arrêter son activité. Catherine et René continuèrent alors à s'entraîner seuls durant de longues heures chaque jour, dans un local à deux pas de Pigalle. Il en résulta un numéro de perche réglé à la perfection, un numéro qui, une fois au point, fut proposé à diverses agences artistiques. Mais aucune ne voulut se déplacer pour visualiser le numéro. C'est alors que Catherine, bien décidée à ne pas avoir fait tous ces efforts pour rien, décida de prendre contact avec Joseph Bouglione, oui, " Monsieur Joseph " en personne, qui vint rencontrer les Breton dans leur gymnase. La peur de leur vie pour les deux acrobates, quand arrivent le jour et l'heure de se produire devant le grand directeur pour lequel ils prirent de gros risques. Une fois l'audition terminée, Joseph Bouglione, après quelques secondes de réflexion, dit soudain: " Vous commencez dans deux jours. Allez de suite chez " Vicaire " faire vos costumes...". Quand Monsieur Joseph quitta le local, Catherine et René pleurèrent de joie et d'émotion mêlées lorsque soudain, celui-ci revint sur ses pas. " Au fait, quels sont vos noms d'artistes ? ". " Cathy et René ", répondirent les intéressés.
" Non, cela ne fait pas cirque.... Vous serez les Allarions ! ". C'est ainsi que les Allarions débutèrent en 1964 au " Cirque d'Hiver " , puis sous un chapiteau " Bouglione " à la Porte de Versailles. Et puis, ce furent " Américano " et " Price " en Espagne, " Oscar Togni " en Italie, et bien entendu " Rancy " en France. Une saison chez " Napoléon Rancy " à Rouen en 1966, puis deux chez Sabine en 1967 et 1968, furent les étapes rancyniennes " de Catherine et René Breton. René était le porteur, Catherine, une excellente voltigeuse qui exécutait sans longe ni filet, les figures les plus dangereuses, telles le double pied " ou la suspension par les talons. Chez " Rancy ", Catherine accompagnait aussi Dany Renz dans le fameux " Cheval et la Danseuse ". Elle participait aussi avec son frère à la " Féérie au Népal " où elle présentait notamment des serpents. Un souvenir inoubliable que cette pantomime en 1968. Quand René Allarion dût faire un choix entre poursuivre son métier et suivre les tournées de sa femme, chanteuse, il choisit la seconde voie. En prévision, il avait formé depuis quelque temps un certain Guy Manetti, issu d'une célèbre famille circassienne, et devenu dans l'intervalle la mari de Catherine. Sous les noms d'Aquillas, puis d'Ornano, et enfin de Manetti, on retrouvera en 1969 et 1970, toujours chez " Sabine Rancy ", le nouveau couple qui avait désormais pris la relève. Après " Rancy ", les Allarions se produisirent chez " Amar ", " Nando Orfeï " en Italie, et puis chez " Pinder " aussi, où Catherine intervenait également dans un périlleux numéro de " marche au plafond ".
René Breton-Allarion, qui est l'auteur de ce texte et qui est décédé voici quelques années déjà, évoquait tous ces souvenirs avec beaucoup de gentillesse, reconnaissant volontiers et avec émotion que ces " années cirque ", et tout particulièrement celles effectuées chez les Rancy, furent incontestablement les plus belles de sa vie. Il fallait le dire et l'écrire !
Première façon de classer, disais je. C'est donc qu'il en existe d'autres. On peut, en effet, distinguer aussi les numéros de perche aérienne selon leur originalité. C'est ce que nous ferons dès demain avec, pour ordre, le plus classique, celui des Gilson, au plus étonnant, celui d'Enrico et Frida qui n'étaient autres que deux lilliputiens de la troupe Gnidley, en passant par le numéro de double perche aérienne des Riccardo et de perche rotative des Astoris. Les Gilson, les Riccardo, les Astoris et Enrico et Frida.... Voilà de quoi nous occuper de lundi à jeudi !