Au début des années 70, habitant sur la place d'une petite ville du Nord où les cirques itinérants avaient l'habitude de s'installer, j'avais la chance de voir de ma fenêtre, l'arrivée des convois, l'installation, le montage et le démontage du chapiteau. Généralement, c'était la ménagerie des cirques qui faisait face à mon domicile, et ainsi, Alexis et Lucien Gruss, Daniel Suskow, Carlos Mac Manus, Edith Freyer, Willy Meyer ou encore en 1973 et 1975, un certain Victor Saulevitch, devenaient mes voisins d'un jour. Concernant celui-ci, c'était évidemment du cirque " Jean Richard " dont il s'agissait en ces années, établissement dans lequel le dresseur letton présentait un troupeau de pachydermes. Mais quand on évoque généralement le nom de Saulevitch (prononcer Saoulevitch), né en 1912, on pense avant toute chose, et à juste titre d'ailleurs, à " Amar " chez qui il entra à l'âge de dix-huit ans comme soigneur. On pense aussi plutôt fauves qu'éléphants. De 1930 à 1972, il fut en effet le " dresseur maison " du célèbre cirque d'origine kabyle, débutant avec un groupe de lions ayant appartenu au grand Vojtech Trubka, avant de prendre en mains des tigres royaux, lesquels feront plus tard sa renommée, au point de devenir le successeur d'un autre " dompteur maison ", le fameux Damoo Dhôtre (l'une des photos ci-dessous). Saulevitch pratiquait une forme de dressage dite " en pelotage ", un dressage épuré, rapide, dans une cage aux accessoires réduits à leur plus strict minimum, privilégiant ainsi le contact direct avec les bêtes. Certains d'entre nous ont peut-être encore en mémoire le travail qu'il réalisait avec sa tigresse Asta (ci-dessus) qui traversait la cage sur les pattes postérieures, et s'arrêtait en frôlant le nez et en s'appuyant sur les épaules de son dompteur. En décembre 1970, Victor Saulevitch fut assez grièvement blessé par une autre tigresse répondant au nom de Rany, donnant quelques frayeurs à ses amis et aux circophiles de l'époque. Lions et tigres ne furent pas les seuls fauves que dressa le dompteur, lequel fut aussi apprécié avec des petits félins.
Mais comme je le disais plus haut, Victor Saulevitch, élève d'Amar Aîné, lequel reçut en 1973 le " Prix de l'Audace " de la part de l'" Association de la Presse et du Music-Hall ", n'a pas présenté que des fauves dans sa carrière. Après avoir débuté chez " Amar " avec des exotiques, et outre les éléphants, on le vit même dans son cirque fétiche avec des chevaux ou des otaries. Si j'évoque, dans la " Mémoire des Rancy ", ce sympathique, je devrai même dire très sympathique dompteur au physique de catcheur, vous vous doutez bien que ce n'est pas par hasard. Entre " Amar " et le cirque " Jean Richard ", Victor Saulevitch a aussi fait deux apparitions bien distantes chez " Rancy ". La première au " Grand Palais " en 1943-1944, au " Nouveau Cirque des Champs-Elysées " d'Albert Rancy, avec six lions appartenant aux Frères Amar, le maître des lieux menant dans le même spectacle, les éléphants de ces derniers, et une seconde fois, dix années plus tard, en 1954 très précisément, cette fois chez " Napoléon Rancy ". Le public l'applaudit alors dans la première partie du programme tantôt avec des lions d'Abyssinie, tantôt avec des petits félins (panthères noires et mouchetées, jaguars et pumas), et dans la seconde moitié, intitulée " la Féérie à Sumatra ", avec un troupeau de pachydermes. Il y eût aussi une participation à un spectacle amiénois de Jean Houcke en 1938 où il présenta les tigres royaux d'Amar Aîné.
Arrivé à l'issue de cette évocation, je m'aperçois qu'il y a déjà eu dans ce blog, un article appelé " S comme Saulevitch ", et je m'excuse de ce doublon. Mais après tout, au bout de mille cinq cent cinq articles, et bientôt six années d'existence, n'est-ce point normal de ne plus se souvenir de ce que l'on a écrit, d'une façon beaucoup moins complète d'ailleurs, de nombreux mois auparavant. Cela donne même des idées pour la saison prochaine !
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