" Les trapézistes volants lumineux ".... C'est ainsi que le programme 1932 du " Cirque Rancy " sans prénom annonçait le numéro des Zemganno, un nom emprunté à un personnage fictif d'un roman célèbre d'Edmond de Goncourt datant de 1915, " Les Frères Zemganno ", et qui devint un pseudonyme, adopté pour planer au-dessus des pistes, par l'écrivain et artiste nordiste Jean Barret, également journaliste à " Paris Soir ", alors sous la direction de Pierre Lazareff, où il était responsable, entre autres, de la rubrique culturelle et, en particulier, de celle du cirque. C'est à ce moment là qu'il sentit naître sa vocation, lui qui se tenait aussi à la " boîte à sel " du " Cirque d'Hiver ", alors qu'il y était secrétaire général du temps de Gaston Desprez. En regardant les volants, il rêvait de faire des rimes dans l'espace, et, un jour, il eût une inspiration magnifique: son " poème gymnique ", qu'il allait écrire en vers luisants. Dans son esprit, il éteignait la salle. Les barres du trapèze devenaient lumineuses, mais pas seulement, les costumes aussi, et, fermant les yeux, il vit le chassé-croisé fantastique des flammèches humaines qui furent applaudies pour la première fois le vingt novembre 1931 sous la coupole du " Cirque Médrano ". Outre Barret, ces flammèches humaines se nommaient alors Marcel Desprez, Louis Suchot, le seul " vrai " trapéziste de la troupe, et Françoise qui se contentait encore seulement d'effectuer des pas de danse sur une plateforme de verre placée sous cette coupole. Chez " Rancy ", ce fut donc la saison suivante que la féerique vision aérienne, née grâce à la phosphorescence et à la lumière noire, fut présentée, une vision que Jean Barret devait encore amplifier en 1949 avec la création du " vaisseau fantôme ", spectacle étrange titré par le chroniqueur Legrand-Chabrier où, avec de nouveaux partenaires travestis en corsaires, parmi lesquels figureront, au milieu des années 1950, sa fille Anita, son gendre Serge Closier, Michel Bessière, ainsi que Michel Baudemont, futur partenaire clownesque de Claudy Renotte, il évoluait magiquement sous les contours d'un navire irréel. Dans l'intervalle, en 1936, on aura encore vu les Zemganno, " rois de l'attitude et princes du geste ", au " Cirque Jean Houcke " à Amiens où celle que l'on surnommera désormais Françoise " Zemganno " était montée en puissance en devenant la seule femme au monde à exécuter le saut périlleux de trapèze à trapèze. Plus tard; elle deviendra l'épouse du célèbre jongleur Paolo Bédini, et donc la mère de Mimi Paolo, toutes deux disparues tragiquement en 1982. On reverra le trio une seconde fois sous les cintres de cette même antre en 1942. La phosphorescence aérienne ne fut pas la seule innovation artistique insufflée par Barret, qui fut souvent imité, mais sans doute jamais égalé. Nous lui devons encore la rythmique aérienne, sorte de ralenti des passes aidant à mieux mettre en valeur les envols et les sauts. Toutefois, c'est son originale présentation des " hommes volants dans l'obscurité ", que dis-je, des " trapézistes volants lumineux ", qui resteront attachées au nom de Zemganno. L'ultime prestation française de cette dernière troupe, avec Jean Barret comme membre avant qu'il ne prenne sa retraite d'artiste, eût lieu au " Vélodrome d'Hiver " de Paris avant sa démolition en décembre 1958 dans un spectacle animé par Roger Lanzac où paraissaient aussi les fameux Bario, les Caroli, Léon de Rousseau, tout ceci après un séjour en Angleterre sous la coupole du " Blackpool Tower Circus ". Alors que Jean Barret-Zemganno se reconvertira en agent artistique, le numéro fantasmagorique perdurera, animé par plusieurs de ses émules et toujours sous sa direction artistique, autour d'Alex Souren, Stanislas Kerwich et l'épouse de celui-ci dans un premier temps, puis Brigitte Souren et deux partenaires ensuite. On verra notamment ces derniers en 1970 chez " Jean Richard ". Au début du mois de décembre 1975, tandis qu'il avait rejoint les Pays-Bas et le " Circus Boltini " où un accident avait contraint sa troupe de s'arrêter, il reprit la direction de l'entraînement après une hospitalisation de trois semaines jusqu'à ce qu'une crise cardiaque ne vienne le terrasser. Les " nouveaux " Zemganno paraîtront une nouvelle fois chez " Rancy ", très exactement au cirque " Napoléon Rancy " à Rouen, à la fin des années 60 ou au début des années 70, m'a t'on dit, bien que je n'en ai pas trouvé de traces. En 1978, en revanche, chez Sabine en Italie, les derniers trapézistes à porter ce nom firent partie de la désastreuse tournée, celle qui aboutira à la mort d'un " Cirque Rancy " avec des Rancy....
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