Voici encore un numéro parfaitement voué à être republié un jour de Toussaint, celui du professeur Aris et de Miss Fakara :
Pour un directeur de cirque, il y a plusieurs manières d'engager des artistes. Les agences artistiques en sont une. Le " tam tam indien ", expression souvent reprise par Sabine, en est une autre. Et puis, il y parfois des concours de circonstances comme celui dont André Rancy fut le témoin en 1933. C'est en assistant à la présentation, lors d'une soirée privée, d'expériences exceptionnelles par le Professeur Aris et son médium Miss Fakara que le directeur du " Cirque Rancy " eût l'idée d'engager ces derniers dans le spectacle qu'il programmait à Bordeaux d'où le couple était d'ailleurs originaire, à l'occasion de la foire d'octobre aux Quinconces. Le Professeur Aris et Miss Fakara, qui, à priori, étaient français, formaient un duo de mentalistes qui se produisait au cirque et au music-hall. Miss Fakara, ancienne femme à barbe sur les foires, était surnommée la " femme radio " ou encore " femme T.S.F. ". Avec son mentor, ils interprétaient un programme énigmatique intitulé " Troublants mystères ". la première apparition du duo remonterait à 1930, à Paris, au " Cirque d'Hiver ", où il partageait l'affiche avec les cyclistes Willys, la cavalerie d'Albert Carré, les clowns Little Walter et Chocolat, ainsi que les Fratellini. Leur carrière dut internationale, se produisant en Allemagne, en Algérie, en Espagne aussi où Aris défraya la chronique en conduisant une voiture les yeux bandés sur la Plazza de Toros de Bilbao. " Mon sujet n'est pas une voyante ", disait le Professeur Aris. " C'est grâce à un dispositif spécial qu'elle devinait toutes les questions qui lui étaient posées. C'est la plus nouvelle et sensationnelle attraction mondiale....". " Le crime, " la prémonition ", " la radio vision détective", et surtout, " la voix du tombeau " étaient les principaux " tours " qu'effectuait le couple. C'est précisément cette dernière que les spectateurs bordelais du " Cirque Rancy " virent en octobre 1933. Voici le détail de cette expérience: Miss Fakara se faisait enterrer vivante dans un cercueil déposé dans une grande caisse. Un micro était placé dans le cercueil et relié à de puissants haut-parleurs. Sans sa " tombe ", l'artiste voyait tout ce qui se passait à l'extérieur et le relatait, du simple trou dans le bas à la lecture dans les plus secrets portefeuilles. Evidemment que c'était de la voyance. Evidemment qu'il y avait un truc....
L'évocation du numéro du Professeur Aris et de Miss Fakara m'amène à évoquer d'autres artistes, pas spécialement de cirque d'ailleurs, que l'on peut qualifier de fakirs et qui furent à leur tour des " enterrés vivants " sur des temps bien plus longs que dans le numéro précédemment décrit. Je pense tout particulièrement à un certain Yvon Yva dont les plus anciens d'entre vous se souviennent peut-être :
Sympathique, calme et souriant, ce garçon qui s'était fait connaître un peu plus du grand public après son passage à l'" Olympia " en 1956, tandis qu'il n'avait que vingt-cinq ans, n'était déjà pas un novice. Présenté par le Professeur Guidhéry comme l'indique le document ci-dessous, il se produisait sur cette scène prestigieuse dans un numéro quelque peu masochiste., déconseillé aux âmes sensibles, mais qui attirait cependant un public nombreux, au cours d'un spectacle que Bruno Coquatrix avait dénommé " Championnat Mondial des Fakirs ". Ce fils de gendarme de Saône et Loire avait et très tôt une attirance pour le monde curieux et insensé. Jean-Pierre Panir, le célèbre imprésario lillois, avait fait sa connaissance à cette occasion. Yvon Yva aimait lui raconter ses premières expériences, sa lente progression, et finalement l'aboutissement de ses tentatives de records avec sa concrétisation lorsqu'il devint " champion du monde de la résistance à la douleur ", titre sous lequel il paraissait dans l'établissement du boulevard des Capucines. C'est ainsi qu'il lui annonça vouloir battre un autre record, celui des " enterrés vivants ". Cette idée n'avait pas laissé Panir indifférent et, après un temps de réflexion et surtout une étude concrète de l'organisation, ce dernier proposa à Yva de collaborer avec lui afin de monter dans la capitale des Flandres ce qui allait s'appeler " exhibition internationale du record mondial des enterrés vivants. Pour ceux qui connaissent Lille, le lieu choisi était le 16, rue du Sec-Arembault, là où se situe aujourd'hui le hall de la " F.N.A.C. " et qui, à l'époque, était une entrée de garage. Le premier terrassier, ou plutôt fossoyeur, pressenti, croyant à un canular, se récusa. Le second creusa la " tombe " huit jours avant l'expérience. Le public pouvait assister gratuitement à la confection d'une sorte de sarcophage de deux mètres de longueur et cinquante centimètres de profondeur que recouvrirait un mètre de terre. Le jeudi 19 avril 1956, Yvon Yva prononça lui-même une allocution de circonstance, définissant le fakirisme comme étant l'art d'acquérir une volonté toujours plus forte et de vaincre la douleur. A l'appui de ces déclarations, il s'enfonçait quelques poignards dans la chair et une aiguille dans la joue gauche. Il précisa le but de son expérience : battre un record bien sûr, mais aussi connaître les capacités de l'être humain à rester sans manger et boire. Cet " Alain Bombard " du sous-sol avait prévu deux périscopes, le public pouvant ainsi suivre les sévices de la faim et de la soif et du manque d'air. A 19 heures 30, très exactement, le " permis d'inhumer " fut donné par un médecin qui donna le certificat à un huissier de justice chargé de vérifier l'authenticité du record. Durant toute la durée de l'expérience visible, les périscopes et l'interphone étaient installés à l'intérieur de la sape, ce qui permettait au fakir de communiquer chaque jour avec le médecin et l'huissier. De son côté, en bon imprésario, Jean-Pierre Panir assurait les contacts avec la presse grand public et spécialisée, nationale et internationale, ainsi qu'avec les associations internationales de fakirs. Un public très nombreux défilait jour et nuit devant le sarcophage et pouvait même parler à Yva pour la somme de deux francs de l'époque. La tentative, commencée le 19 avril, s'acheva le 30 mai. Lors de la sortie du fakir de son tombeau, la rue du Sec Arembault et les rues avoisinantes furent noires de monde. Toute la presse, les radios, la télévision et même le cinéma étaient présents. La terre enlevée, les quatre planches qui fermaient la sape ôtées, Yvon Yva apparaissait. Un petit malaise, sans doute dû à l'air vif qu'il respirait soudainement le troubla quelques courts instants, puis le fakir saluait tous les spectateurs qui l'ovationnaient avant de s'engouffrer dans une magnifique limousine en direction de l'hôtel " Bellevue " sur la Grand-Place où il dût apprécier particulièrement le confort.
Yvon Yva avait ainsi largement battu Ben Isbey, élève de Carrington, qui, durant deux heures, avait été enseveli vivant sous terre à 1,50 mètre de profondeur, et dont on peut voir une illustration ci-dessous :
De gauche à droite, le journaliste de radio et plus tard de télévision, Jean Thévenot, Robert Vaillant, Manita et Joseph Carrington, et, derrière, un journaliste
Alors, en ce jour de Toussaint, avez vous une idée du thème de la semaine qui s'ouvre. Comme d'habitude, un indice vous aidera à le trouver.
Ce site est en perpétuelle évolution grâce à des ajouts, des corrections et de nouvelles illustrations
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